Le contrôle technique des 2RM est-il utile en termes de sécurité routière ?

Malgré le très faible recul dont nous disposons depuis la mise en place en France de ce contrôle (avril 2024), les éléments qui suivent permettent de répondre oui, avec certitude.

Bref historique

Le contrôle technique des deux-roues motorisés (CT2RM), en France comme dans l’Union européenne et au Royaume-Uni, est une opération de contrôle des véhicules à moteur de catégorie L : deux ou trois roues et quadricycles à moteur.

Le sujet est revenu régulièrement depuis 2010 dans les discussions entre les associations de prévention routière, les représentants politiques et les associations d’usagers de deux-roues. La mise en place de la réglementation a vu se succéder, surtout à partir de 2022, la publication de décrets gouvernementaux, d’annulation de ces décrets par le ministre des Transports, de décisions du Conseil d’État qui soit s’est autosaisi soit a été saisi par des associations environnementalistes et anti-véhicules motorisés.

De leur côté, les associations de motards, dont le puissant lobby de la Fédération Française des Motards en Colère (FFMC), contestent sur le fond les appréciations sur la sécurité et l’impartialité du Conseil d’État[1].

Finalement, en octobre 2023, un décret[2] d’application met en place le contrôle technique à partir d’avril 2024 pour les 2RM, incluant les motorisations de 50 cm3, les voitures sans permis, speed bikes, cyclomoteurs, scooters, quads, et side-car.

 

L’intérêt du CT2RM pour la sécurité routière

Notons préalablement que le contrôle technique existe dans 19 des 26 pays de l’Union Européenne[3].

En Espagne, la mise en place du contrôle technique des cyclomoteurs s’est faite entre 2007 et 2010. Il doit être effectué tous les deux ans. Grâce à ce contrôle, il a été observé une réduction de mortalité de 18% des cyclomotoristes dans ce pays et l’économie en termes d’accidentalité est 4,73 fois supérieure au coût[4] (notons la précision de ce dernier chiffre !).

A contrario, la FFMC estime que l’obligation du CT2RM n’a aucun lien avec la sécurité routière compte tenu de l’attention apportée au contrôle et à l’entretien de leurs motos par les conducteurs. Mais, si ce raisonnement peut éventuellement s’appliquer à une minorité de possesseurs de motos lourdes particulièrement onéreuses, il est peu vraisemblable qu’il s’étendre à la majorité des conducteurs de 2RM et tout particulièrement aux cyclomotoristes.

Le journal « Le repaire des motards » (http://www.lerepairedesmotards.com) publie un article intitulé : Les centres Sécuritest et Auto Sécurité dressent leur premier bilan. Ce bilan ne peut être que très provisoire puisqu’il ne porte que sur 31% des centres de contrôle et surtout sur une durée très courte de deux mois. Il oriente toutefois dans le sens d’un bilan ‘positif’ pour les motos et scooters :

  • 12% de contre-visites pour les véhicules de catégorie L (pour mémoire, les contre-visites pour les voitures particulières s’élèveraient à 19%) ;
  • mais 32% pour les voitures sans permis;
  • le taux de contre-visites pour les cyclomoteurs égal à 20% est presque le double de la moyenne ;
  • les cylindrées supérieures à 125 cm3 affichent 9% de contre-visites.

Les défaillances critiques nécessitant une réparation immédiate portent sur le freinage, les roues/pneus et le châssis. Les défaillances avec des réparations non urgentes concernent, dans l’ordre, les pneus, l’échappement non conforme, l’éclairage, le freinage et l’identification.

Enfin, il est prévu dans le décret d’octobre 2023 (Art.39) qu’une analyse des données du CT2RM soit faite annuellement (deux ans la première fois) par un organisme technique central (OCT), visant :

– à évaluer l’état du parc des véhicules et à établir un lien la sécurité routière ;

– à recenser, pour chaque catégorie de véhicules,

  • les taux des différentes défaillances relevées,
  • les taux de contre-visites,
  • les défaillances critiques constituant un danger direct et immédiat pour la sécurité routière ou ayant une incidence grave sur l’environnement ainsi que les défaillances   majeures susceptibles de compromettre la sécurité du véhicule, d’avoir une incidence     négative sur l’environnement, ou de mettre en danger les autres usagers de la route.

Cette évaluation, si elle est correctement mise en œuvre et si ses conclusions sont suivis d’effet, contribuera, à l’évidence et fortement, à la prévention des accidents des 2RM.

 

L’intérêt du CT2RM pour l’environnement

Le Conseil d’État explique que : « La circulation des deux-roues motorisés a des effets nocifs sur l’environnement, en termes de pollution atmosphérique et sonore, particulièrement dans les zones urbaines. Et l’obligation de contrôle technique prévue par la directive vise non seulement à améliorer la sécurité routière, mais aussi l’état de l’environnement en réduisant la pollution atmosphérique et sonore liée au mauvais état de certains deux-roues motorisés. »

La pollution atmosphérique par les 2RM est encore sujette à polémique entre la FFMC et les associations de défense de l’environnement. Le 5 juin 2023, la FFMC publiait une lettre ouverte au chef de l’État contenant 6 affirmations, dont celle-ci :

« Saviez-vous que 3,9 millions de 2-roues motorisés ne sont responsables que de 0,5% des émissions polluantes ? ». 

            En réponse à cette question-affirmation, l’Agence France Presse[5] (AFP, 07 juin 2023) écrivait :

« Attention : ce chiffrage (de la FFMC) relayé par les réseaux sociaux, qui tend à minimiser l’impact environnemental des deux roues motorisées, est à nuancer, car il mêle des émissions de substances très diverses qui n’ont pas toutes le même effet sur l’air et le climat. Il ne précise pas non plus le périmètre de comparaison retenu, soulignent l’agence de la transition écologique, le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa) et un chercheur, tous interrogés par l’AFP. »

La FFMC « évoque des « émissions polluantes » sans en préciser la nature ni le périmètre », ajoute l’Ademe. Or, « il est important d’expliciter de quelles émissions on parle pour évaluer des tendances de ce type. Les 2RM ont des émissions très contrastées selon qu’on parle de CO2 (gaz à effet de serre) – qui n’est pas à proprement parler un polluant, mais qui fait très fréquemment l’objet d’un amalgame – ou de polluants réglementés (monoxyde de carbone (CO), hydrocarbures imbrûlés, oxydes d’azote (NOx), particules). »

En effet, selon l’AFP les émissions de composés organiques volatils non méthaniques (COVNM) des deux-roues motorisés représentent 19,4 % de celles du transport en général et 7,3 % de celles de monoxyde de carbone (CO), ce qui est très loin d’être négligeable et montre que ces véhicules « sont surreprésentés dans les émissions d’hydrocarbures (COVNM) et de CO (peu toxique à ces niveaux de concentration), par rapport à leur nombre en circulation.

Ces données ont été actualisées par un rapport sur la pollution des deux-roues motorisés publié par l’ADEME en janvier 2024, qui confirme que les émissions de particules restent proches de celles des voitures et celles de CO restent élevées pour les 125cm3. Toutefois l’impact environnemental futur des 2RM tendrait à s’améliorer, car les niveaux de consommation de carburant des motos thermiques ont baissé par rapport aux années précédentes, et restaient nettement inférieurs à ceux des automobiles.

 

L’intérêt du CT2RM dans la lutte contre la pollution sonore

            – Le contexte européen[6]

L’Agence européenne pour l’environnement (AEE) indique que le bruit est le deuxième facteur de maladie environnementale le plus important dans l’UE (après la pollution atmosphérique). Une exposition prolongée à des niveaux élevés de pollution sonore peut avoir de graves conséquences sur la santé (notamment l’hypertension artérielle, les maladies cardiovasculaires et la mortalité prématurée) et affecter considérablement la santé mentale et le bien-être (y compris les troubles chroniques, tels qu’un niveau élevé de troubles du sommeil, de stress et/ou de gêne). 20 % de la population de l’UE, soit une personne sur cinq, tous âges confondus, vit dans des zones où les niveaux de bruit sont nocifs pour la santé.

En Europe, pour ce qui est de la route qui gêne plus les classes sociales les moins favorisées que les riches, le bruit serait à l’origine de 8 900 morts prématurées et de 33 000 cas de maladies cardiaques par an, perturberait très fortement le sommeil de 3,7 millions d’habitants et dérangerait très fortement 14,4 millions de personnes.

 

            – Le bruit des 2RM

La pollution sonore générée par les deux-roues motorisés est un problème majeur en milieu urbain. Ces véhicules sont souvent la première cause de plaintes pour nuisances sonores auprès des maires, car ils ne correspondent ni aux bruits de voisinage typiques ni aux bruits de circulation classiques. Ces nuisances sont difficiles à réguler avec les dispositifs existants, car elles relèvent principalement du Code de la route plutôt que des réglementations sur les bruits de voisinage.

Les 2RM sont souvent utilisés à des régimes moteurs anormalement élevés, et il n’est pas rare que leurs dispositifs d’échappement soient modifiés pour produire plus de bruit. Chaque année, plus de 20 000 contraventions sont émises pour ces infractions, qui incluent l’utilisation de moteurs à échappement libre ou non muni d’un échappement silencieux en bon état.

L’intérêt manifeste du CT2RM réside en la vérification que le dispositif de limitation des niveaux sonores n’est pas défaillant et que, dans le cas contraire, il fasse l’objet d’une contre-visite. On ne peut qu’espérer que ce type de contrôle fasse régresser les nuisances sonores anormalement nombreuses, en particulier la nuit.

[1] Pour connaître les détails chronologiques de cette bataille, consulter Wikipedia :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Contr%C3%B4le_technique_des_deux-roues_motoris%C3%A9s_en_France
[2] https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=IHWXOJYVrkxINUf7p0EobSw5UJagoAhIWSi4tlYHSno=
[3] Voir le tableau des pays européens dans la note 12 précédente.
[4] European Commission, Directorate-General for Mobility and Transport, Mutz, C., Díaz, V., Olmeda, E. et al., Study on the inclusion of light trailers and two- or three-wheel vehicles in the scope of the periodic roadworthiness testing – Final report [archive], Publications Office, 2019
[5] https://factuel.afp.com/doc.afp.com.33GZ489
[6] Report from the commission to the European parliament and the council, Brussels 20/03/2023
https://environment.ec.europa.eu/system/files/2023-03/COM_2023_139_1_EN_ACT_part1_v3.pdf

État des lieux

Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 :

Avec la mobilisation de tous, c’est possible !

Le bilan
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