Les stages de sensibilisation à la sécurité routière : une réponse éducative pour les conducteurs infractionnistes

Laurence Weber et Hélène Martineau,
Institut national de sécurité routière et de recherches (Inserr)

Le permis à points a été instauré en France par la loi du 10 juillet 1989 (décret d’application du 1er juillet 1992). La perte de points constitue une alerte destinée à faire prendre conscience au conducteur de la nécessité d’une conduite plus raisonnable et plus responsable. Ce dispositif a une fonction dissuasive (avertissement, tout en maintenant un droit à l’erreur) et également une fonction éducative, remplie par les stages de sensibilisation à la sécurité routière.

Retrait et récupération de points
En France, le permis de conduire est affecté d’un capital de 12 points, sauf en pé­riode probatoire, où il est initialement de 6 et progresse automatiquement jusqu’à 12 points en trois ans (deux ans en cas d’apprentissage par la conduite accompagnée). La commission d’infractions entraîne un retrait de points dont le barème est fixé par arrêté du ministère de l’Intérieur. En cas d’absence d’infractions pendant une période de deux à trois ans suivant la nature des infractions, le conducteur récupère automatiquement l’ensemble du capital. Depuis mars 2011 et la loi Loppsi 2, la perte d’un seul point donne lieu à récupération au bout de six mois.
Le suivi d’un stage de sensibilisation permet de récupérer au maximum 4 points.
Il est désormais possible de suivre un stage tous les ans.
Les stages sont organisés par des organismes agréés en préfecture, dont les conditions d’exploitation sont réglementées par un décret et un arrêté de 2012
1.
Les stages, d’une durée de deux jours consécutifs, sont animés par un psychologue et un «expert en sécurité routière» (titulaire du BAFM ou du Bafcri
2) formés spécifiquement à l’animation de ces stages durant une période de deux mois (dont cinq semaines à l’Inserr) et régulièrement recyclés3.

Les stages de sensibilisation
En 2012, 20 263 stages ont été organisés en France, accueillant 323 096 stagiaires (chiffres DSCR). La plupart d’entre eux viennent de façon «volontaire» pour ré­cupérer des points (voir fgure 1). Pour d’autres participants, le stage est obligatoire: conducteurs en période probatoire ayant commis une infraction passible d’un retrait d’au moins 3 points et conducteurs adressés par l’autorité judiciaire, dans le cadre d’une peine complémentaire, d’un sursis avec mise à l’épreuve, etc.
Certains procureurs proposent ces stages en alternative aux poursuites.

L’objectif des stages de sensibilisation est «d’éviter la réitération des comportements dangereux» (art. R. 259 du code de la route), auquel s’ajoutent des objectifs «intermédiaires» signalés dès les premiers textes
4:
•   sensibiliser les stagiaires aux enjeux de la sécurité routière ;
•   leur faire connaître la dimension collective de la sécurité routière (partage de la  
route, conduite apaisée);
•   susciter l’émergence de nouveaux comportements en sensibilisant les stagiaires  sur les thèmes de la vitesse, de l’absorption d’alcool et de la conduite des véhicules poids lourds;
•   leur faire appréhender la notion de risque grâce à des cas concrets.

Impact des stages
Il n’existe pas en France d’étude d’évaluation de type épidémiologique avec un suivi longitudinal par cohorte et groupe témoin permettant de mesurer l’impact de ces stages en matière de récidive d’infractions et/ou d’accidents. Toutefois, les études menées depuis vingt ans permettent d’évaluer les critères intermédiaires de fonctionnement des stages: niveau de connaissances, degré de satisfaction, caractéristiques de la population, intentions de comportements, motivations, etc.
Au niveau européen, l’impact sur la réduction d’infractions à la suite des stages a été essentiellement mesuré auprès d’un public de conducteurs auteurs d’infractions en lien avec l’alcool. Sur une période de deux à cinq ans, ces études
démontrent une baisse de la récidive de 45% en moyenne
5. L’examen des expé­riences à l’origine de ces résultats positifs a permis de dégager des préconisations sur l’effcience des stages: groupes de dix participants maximum, sessions courtes mais étalées sur plusieurs semaines, conduites par des professionnels
qualifés et fondées sur des méthodes favorisant l’auto-réflexion. Ces recommandations, établies au début des années 2000
6, sont toujours d’actualité.
En France, l’étude la plus récente a cherché à mesurer des évolutions au cours du stage en matière de changement des conducteurs dans leur usage de l’alcool au volant
7. Elle a démontré que le stage permet de mettre en place les conditions d’un changement et montre également chez la plupart des participants de réels changements d’opinion, d’attitude et d’intention vis-­à-­vis de l’association alcool et conduite. L’autonomie des participants et leur motivation à changer augmentent, l’influence de la norme et des pairs s’infléchit du fait du stage et certains d’entre-eux progressent même d’un ou de plusieurs stades dans le processus de changement vis­à­vis de la dissociation du comportement en question, à savoir boire et conduire.
Certains groupes comme celui des plus jeunes, ou celui des participants verbalisés pour alcoolémie ou bien encore ceux avec un profil de personnalité à risque plus marqué, bénéficient davantage encore que les autres de ces évolutions.
L’étude a ensuite montré que le stage peut bénéficier également à l’entourage des participants par une information, une sensibilisation et parfois des actions mises
en place au sein des couples, des familles ou chez les collègues de travail.
Du côté des animateurs des stages, les modules mis en place depuis 2006 (dits «de deuxième génération») apportent une réponse adaptée aux différentes problématiques rencontrées chez les participants.
Programme et logique de stages aujourd’hui Les méthodes d’animation ne consistent pas en de simples présentations; elles sont majoritairement participatives et visent l’autoréflexion et l’auto­évaluation des participants. Au­-delà des questions de sécurité routière, les thèmes abordés concernent les projets de vie, les valeurs, le style de comportement, les normes de groupe et les risques qui y sont associés. Durant les deux jours de stage, les participants sont invités à faire le point sur leurs comportements d’usage de la vitesse et/ou des produits psychoactifs, à analyser les influences des contextes sociaux et personnels sur ces comportements aux fins de les ajuster.
L’effcience des stages de réhabilitation du conducteur fait l’objet d’un consensus au niveau international. En France, les stages ont évolué pour tenir compte des bonnes pratiques au plan européen, des avancées de la recherche et de l’évolution des publics et des problématiques des participants.


1. Décret n° 2012-688 du 7 mai 2012 relatif à l’enseignement de la conduite et à l’animation de stages de sensibilisation à la sécurité routière ; arrêté du 26 juin 2012 fxant les conditions d’exploitation des établissements chargés d’organiser les stages de sensibilisation à la sécurité routière.
2. BAFM : brevet d’aptitude à la formation des moniteurs ; Bafcri : brevet d’animateur pour la formation des conducteurs responsables d’infractions.
3. Arrêté du 26 juin 2012 relatif à l’autorisation d’animer les stages de sensibilisation à la sécurité routière.
4. Circulaire du 25 juin 1992 relative aux modalités pratiques de la formation spécifque destinée aux conducteurs responsables d’infractions.
5. Variables, suivant les études, de 14 % à 72 % : projet européen Druid (« Driving under the Influence of Drugs, Alcohol and Medecine ») 2012 ; et projet européen Bestpoint (« Criteria for Best Pratice Demerit Point Systems »), 2012.
6. Rapport européen Andrea («Analysis of Driver Rehabilitation Programs »), 2002.
7.
laurence Weber, hélène Martineau, annick billarD, arnauD Morange, lyDia peter, MarJorie MaugenDre, Approche pluridisciplinaire autour de la notion d’auto-évaluation dans les stages de sensibilisation à la sécurité routière, FSR-Inserr, juillet 2012.

 

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