Radars automatiques détruits : Des vies ne seront pas sauvées / les Gilets noirs de l’incivisme / Nous allons le payer au prix du sang
Loire-Atlantique Radars dégradés : « Des vies ne seront pas sauvées » (Presse Océan 07/12/2018)
Depuis plusieurs semaines, en marge du mouvement des Gilets jaunes, de nombreux radars ont été incendiés ou rendus inopérants en Loire-Atlantique. Une cabine a encore été incendiée dans la nuit de mercredi à jeudi sur le bord de l’A11, à La Chapelle-sur-Erdre.
Claude Chabot, vice-président départemental de la Ligue contre la violence routière, réagit vertement aux destructions de radars.
La liste d’appareils détruits ou rendus inopérants s’allonge de jour en jour. Comment réagissez-vous ?
Claude Chabot : « Ce sont des actions ridicules. On peut dire que ce sont des incivilités, mais ce sont aussi et surtout des atteintes à la sécurité. Il faut bien voir que les radars ont un rôle. Ce rôle a été prouvé, justifié par des économies massives de vies humaines. […] Ces destructions vont entraîner des comportements de vitesse excessive qui sont d’habitude régulés par les radars automatiques. On va voir le nombre d’accidents repartir à la hausse. C’est mathématique »
«Sécurité routière: les Gilets noirs de l’incivisme». La tribune de François de Closets
François de Closets 10 décembre 2018 à 12h45
« En dépit des résultats pourtant indiscutables de la sécurité routière, la minorité des anarchomobilistes n’a toujours pas rendu les armes »
Ancien journaliste, François de Closets est essayiste. Dernier ouvrage paru: Il ont écrit ton nom, liberté (Fayard).
Du meilleur au pire, on trouve tout dans le mouvement des Gilets jaunes. Faisons donc le tri en dénonçant l’inacceptable pour ne retenir que le négociable. Au pilori des mauvaises actions, il convient de placer la destruction de la moitié des radars disposés sur les routes pour faire respecter les limitations de vitesse. L’instauration de cette surveillance électronique à partir de 2003 a fait baisser le nombre des morts de 8 000 par an à moins de 4 000. Certes cette diminution n’est pas imputable aux seuls radars. Un ensemble de mesures y a contribué. Mais c’est bien la mise en place d’une chaîne automatique partant depuis l’appareil en bord de route jusqu’à la contravention avec suppression de points qui a rendu les conducteurs plus sages et sauvé quatre mille vies par an. Comme tout automobiliste, il a pu m’arriver d’être flashé. J’ai pesté, puis je me suis calmé. J’ai peut-être évité un accident.
Par son inorganisation même, le mouvement des Gilets jaunes se prête à toutes les manipulations, à toutes les instrumentalisations
Exception française. Avoir pacifié nos routes est assurément le grand acquis, le seul me semble-t-il, de l’ère chiraquienne. Il y fallait du courage tant la bagnole a toujours fait la loi en France. Lorsque les automobilistes régnaient sans partage, dans les années 1970, le nombre des morts avait atteint 18 000 ! Une sinistre « exception française » dont on se serait bien passé. Toutes les mesures qui ont fait progresser la sécurité routière : limitation de la vitesse, port de la ceinture, lutte contre l’alcoolémie se sont heurtées au lobby automobile.
En dépit des résultats pourtant indiscutables, la minorité des anarchomobilistes n’a toujours pas rendu les armes. Elle tient pour négligeable les 60 000 morts évités depuis l’entrée en fonctions des gendarmes-radars. Elle a fait entendre ses protestations contre Edouard Philippe et ses 80 kilomètres à l’heure, elle a saisi l’occasion des désordres actuels pour détruire les pacificateurs de la circulation et revenir à la violence routière.
Par son inorganisation même, le mouvement des Gilets jaunes se prête à toutes les manipulations, à toutes les instrumentalisations. Afin de dégager la voie pour une véritable négociation, il faudra dénoncer sans pitié les gilets noirs de l’incivisme qui se dissimulent sous le gilet jaune de la colère.
Radars automatiques détruits : « Nous allons le payer au prix du sang », s’insurge Chantal Perrichon (Europe1 11/12/2018)
Sur Europe 1, la présidente de la Ligue contre la violence routière appelle les « gilets jaunes » qui dégradent les radars automatiques à la responsabilité.
Depuis trois semaines et le début du mouvement des « gilets jaunes », les radars automatiques sont pris pour cibles. Plastifiés, repeints, dégradés, incendiés… Près de la moitié des radars installés sur les routes de France ont été mis hors service, a révélé Europe 1 lundi. Dans le Puy-de-Dôme, ce sont même 21 des 22 radars qui ont été détériorés au point de ne plus pouvoir flasher les automobilistes en excès de vitesse.
Vers « une remontée du nombre de morts sur les routes ». « Tout citoyen ne peut être qu’atterré devant cette casse systématique des radars », peste mardi sur Europe 1 Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la violence routière. « Nous oublions que ces technologies ont sauvé 40.000 vies depuis 2003. Nous serons obligés de les remplacer bien évidemment. Nous le paierons économiquement, mais nous allons le payer au prix du sang, car il y aura une remontée du nombre de morts sur les routes« , avertit-elle.
« Devenez responsables ». Pour la militante, le risque de voir certains automobilistes provoquer des accidents graves en ne surveillant plus leur vitesse sur des axes où ils savent que les radars ne fonctionnent plus, existe bel et bien. C’est pourquoi Chantal Perrichon lance un appel aux « gilets jaunes », et à tous ceux qui s’en prennent à ce matériel. « Devenez responsables ! Il y a des problèmes pour vivre au quotidien, mais ce n’est pas en détruisant les radars que ces problèmes seront réglés. »
La vague de contestation des Gilets Jaunes emporte aussi les radars automatiques sur le bord des routes. Un tour sur les routes franciliennes suffit à s’en convaincre : des dizaines de radars sont vandalisés ou rendus inopérants.
Le Parisien 03/12/2018 Jean-Gabriel Bontinck
Impossible de ne pas les croiser sur les routes franciliennes et de l’Oise. Carbonisés, tagués, mis sous sac ou ceints d’un gilet jaunes, les radars de vitesse sont la cible privilégiée de la colère des automobilistes. Impossible de dire si ces dégradations sont l’oeuvre unique des gilets jaunes. Mais force est de constater que depuis le début du mouvement, le vandalisme s’intensifie. Principalement en grande couronne, là où la vidéo verbalisation est moins présente.
Impossible d’avoir une confirmation officielle chiffrée : la délégation à la sécurité routière, rattachée au ministère de l’Intérieur, ne veut pas communiquer de bilan, de peur de jeter de l’huile sur le feu, en créant d’incitations, comme ce fut le cas pour les voitures brûlées chaque soir de réveillon.
Pour autant, ces dégradations semblent clairement se multiplier. Le site spécialisé radars-auto.com, avance le chiffre de 600 radars vandalisés en France, soit 20% du parc. Impossible à vérifier.
Des amendes même pour un gilet jaune La Sécurité routière prend en tout cas le sujet très au sérieux, car, explique-t-on à la DSR, les actes de vandalisme ont une incidence sur la sécurité. « Par sa présence 24 heures sur 24, le radar sauve des vies en dissuadant les usagers de commettre des excès de vitesse. La vitesse excessive ou inadaptée est responsable d’1 accident mortel sur 3 »,
rappelle-t-on.
Le vandalisme a aussi un coût : le remplacement d’un radar fixe et discriminant, c’est entre 60.000 et 80.000 € (dont 30.000 à 40.000 € pour la cabine) selon l’ampleur des travaux. Un radar « chantier », ou autonome, c’est 75.000 €.
Et même pour du vandalisme léger, type tag ou vitre cassée, c’est en moyenne 500 € et une semaine de réparation.
Pour du vandalisme lourd avec dégradation de la cabine, il faut compter un mois.
Face à l’ampleur de ces dégâts, la DSR rappelle que la dégradation de radar est un délit, passible d’une amende de 3.750 € assortie d’une peine de travaux d’intérêt général (dégradation légère), ou d’une amende de 30 à 75.000 € en fonction des circonstances (dégradation lourde). Même avec un simple gilet jaune ou un sac poubelle, il s’agit d’une «tentative », estime la DSR, et à ce titre les contrevenants s’exposent aux mêmes peines.
Les appels à s’attaquer aux radars se multiplient
Les radars, symboles de la pression fiscale de l’Etat, sont devenus l’une des cibles des Gilets jaunes. Mais les avis divergent sur les actions à mener. Sur la page Facebook des Gilets jaunes Ile-de-France, en fin de semaine dernière, Julien lançait un appel à « détruire » les radars, pendant que « toutes les forces de l’ordre seront mobilisées sur Paris ».
Sa proposition fait écho aux nombreux appels lancés sur les réseaux sociaux, dans toute la France, depuis le début du mouvement. Mais il y a des débats sur les modalités d’action contre ces radars.
« Pourquoi détruire… Mettre des sacs-poubelles, scotchs et le tour est joué », répondent en substance Casper, MarieFrance ou Jérémy. Un sac-poubelle pour occulter, ou alors… un gilet jaune, avec du scotch noir, comme le montre Eric.
«Pas de casse, pas d’impact »
Mais cette méthode, qui a la faveur de la majorité du groupe même sil elle les expose à des amendes (lire par ailleurs), ne fait pas l’unanimité. « Pas de casse, pas d’impact », estime Nabila. « Il faut les détruire, approuve Dido. Ils ne pourront plus les faire réparer, au bout d’un moment, plus d’argent ».
Le débat s’instaure aussi sur le type de radars à vandaliser. « Faut faire des radars de feux, ceux-là, personne y a encore touché, c’est 4 points quand même », avance Guillaume. « Je ne suis pas d’accord, lui répond Patrick. Ceux qui grillent les feux rouges sont des dangers pour les autres conducteurs ».
Concernant les lieux où attaquer ces radars, Aimé propose le périph parisien, relativement épargné. « Effectivement il y a encore beaucoup de radars qui sont opérationnels, répond-il à la proposition de Julien. Tous les radars du périphérique sont actifs, il faudrait tous les bâcher ».
21 des 22 radars automatiques du Puy-de-Dôme sont hors service*
Sept radars ont été brûlés en Limousin depuis le 17 novembre
Seine-et-Marne : près de 80% des radars routiers constatés hors service