Pourquoi et comment meurt-on sur les autoroutes ?

I   Les facteurs principaux[1]

Nous retrouvons l’éternel trio de tête.

– La vitesse avec 24% de présumés responsables d’accidents mortels en 2023.

– Ce pourcentage de 24% est plus faible que celui de 28% observé sur les autres réseaux routiers.

– Le taux de dépassement des VMA demeure élevé. Ainsi pour les véhicules de tourisme, en 2023 :

  • sur les autoroutes de liaison où la vitesse maximum autorisée (VMA) est de 130 km/h, le taux de dépassement de VMA était de 15% de nuit et de 13% de jour,
  • sur les autoroutes de dégagement où la VMA est de 110 km/h, le taux de dépassement est de 24% la nuit comme de jour[2].

Le rôle de la vitesse excessive ou inadaptée dans l’accidentalité et la mortalité routière est clairement sous estimé par les usagers.

L’alcool avec 17% de présumés responsables d’accidents mortels en 2023.

Comme pour la vitesse, ce pourcentage est plus faible que celui de 23% observé sur les autres réseaux routiers.

Mais l’alcoolémie des conducteurs responsables d’accidents mortels est dangereusement élevée, comme le montre le tableau suivant valable pour les autoroutes concédées, dont la longueur constitue l’écrasante majorité (73%) de celle des autoroutes et voies urbaines rapides, et pendant la période 2019-2023.

On observe que :

  • presque les 3/4 (73,6% exactement) des conducteurs alcoolisés présentent une alcoolémie délictuelle supérieure ou égale à 0,8 g/l de sang,
  • plus d’un conducteur alcoolisé sur deux atteint ou dépasse 1,2 g/l de sang.

Le taux moyen d’alcool dans le sang des conducteurs responsables d’accidents mortels avec alcool est de 1,5 g/l de sang.

Les stupéfiants avec 13% de présumés responsables d’accidents mortels en 2023. L’Association des Sociétés Françaises d’Autoroutes (AFSA), principal exploitant (73%) des autoroutes, ne distingue pas entre les accidents mortels avec alcool, drogues ou médicaments. Nous ne disposons pas de données plus précises sur les accidents sur autoroutes, avec stupéfiant seulement.

Il faut ajouter à ce trio un facteur dont on parle insuffisamment.

L’inattention qui a rejoint les stupéfiants avec 13% de présumés responsables d’accidents mortels en 2023. Arrêtons-nous sur ce facteur important.

La bonne prise d’information tout au long d’un parcours permet de réduire les risques d’accident. Mais l’attention du conducteur est ponctuellement détournée vers d’autres tâches ou distracteurs (visuels, manuels, auditifs ou cognitifs), provenant de l’intérieur ou de l’extérieur du véhicule, et diminuant sa faculté à détecter les événements de la circulation et à anticiper.

  • Ainsi, de l’inattention due au multimédia : utilisation du téléphone, d’un autoradio, d’une   TV et/ou d’un GPS. D’après le baromètre de la Fondation Vinci Autoroutes[3], les conducteurs utilisent leur téléphone principalement pour envoyer ou lire des messages et mails (30 %), pour téléphoner sans kit mains-libres (20 %) ou encore pour participer à des réunions téléphoniques professionnelles.
  • Et aussi, distraction due à un passager, fouiller dans la boîte à gants, ou encore manger, boire, fumer, etc.
  • Une analyse entre 2018 et 2022 des causes d’accidents sur autoroutes concédées[4], en France, démontre que l’inattention intervient dans 16 % des accidents mortels    (remarque : ce pourcentage est celui des accidents mortels et non pas celui du nombre    de présumés responsables).
  • Toujours sur autoroutes concédées, entre 2019 et 2023, il a été observé que 29% des accidents mortels où l’inattention intervient surviennent entre 14h et 18h.
  • De plus, rapportés au trafic, les accidents mortels dus à l’inattention se produisent davantage la nuit, avec un pic avéré dans l’intervalle 3h-4h.

Les facteurs principaux qui viennent ensuite sont : les manœuvres dangereuses, la somnolence et les malaises

Les manœuvres dangereuses, avec 11% de présumés responsables d’accidents mortels en 2023.  Il s’agit de :

  • changement de files,
  • dépassement dangereux,
  • non-respect des distances de sécurité.

L’inexpérience (jeune conducteur, permis récent, habitué aux seuls réseaux national ou départemental, réalisant peu de grands déplacements…) intervient beaucoup dans ce facteur.

La somnolence/ fatigue et malaise, avec respectivement 9% et 8% de présumés responsables d’accidents mortels en 2023.

La somnolence inclus les différents types et degrés de baisse de niveau de veille, jusqu’au demi-sommeil et l’endormissement profond.

La fatigue agit indirectement et intervient par l’intermédiaire d’un autre facteur d’accident qu’elle engendre : l’hypovigilance.

L’hypovigilance est l’état intermédiaire entre veille et sommeil dans lequel les facultés d’observation et d’analyse de l’organisme sont très réduites. Les causes de dégradation de la vigilance peuvent être multiples : trajet long et monotone, privation chronique de sommeil, absence de sommeil dans les 24 heures précédant la conduite, consommation d’alcool, de stupéfiants ou de médicaments psychotropes. Le risque d’une somnolence postprandiale, subite envie de dormir ressentie très peu de temps après avoir mangé, n’est pas négligeable.

Le non-port de la ceinture de sécurité

Contrairement à la vitesse ou l’alcool, le non-port de la ceinture de sécurité n’est pas un facteur déclenchant de l’accident. Le port de la ceinture réduit le risque et peut éviter d’être tué lors de la collision, aussi bien contre un véhicule qu’un obstacle fixe.

Les informations concernant le non-port de la ceinture par les usagers des autoroutes sont parcellaires et n’aborde que très peu de situations.

Ainsi, en 2023, dans les accidents où le port de la ceinture était renseigné dans les BAAC, le pourcentage des occupants de véhicules de tourisme (VT) tués, alors qu’ils ne portaient pas la ceinture, dépasse très légèrement 19%. À titre de comparaison, on retrouve exactement ce pourcentage de 19% sur les routes hors agglomération, et il atteint 25 % en agglomération[5].

Sur les autoroutes concédées, on retrouve ce pourcentage de 19% pour les VT. En fait, il se décompose en deux parts : le pourcentage des tués non ceinturés à l’avant du véhicule, égal à 14%, et celui des tués non ceinturés à l’arrière, égal à 47%. Ainsi, le non-port de la ceinture à l’arrière fait des ravages.

Le graphique ci-dessous montre que ce pourcentage de non-port de la ceinture par les usagers de VT fluctue peu, autour de 20%, sur la période de huit ans entre 2017 et 2023.

Contrairement aux conducteurs de véhicules de tourisme tués, tous les conducteurs de poids lourds tués en 2023 portaient la ceinture.

Pour l’ensemble des véhicules (VT, VU, PL) la part de tués non ceinturés atteindrait 17,5%, en 2023.

II   Les autres facteurs

Nous avons jusqu’à présent abordé les principaux facteurs d’accidents mortels. Mais il en existe plusieurs autres et, plus particulièrement, l’infrastructure et l’état des véhicules.

Facteurs liés à l’infrastructure

En 2023, la part des facteurs liés à l’infrastructure dans les accidents mortels sur autoroute atteint 17%[1]. En particulier, les obstacles sur la chaussée, qu’ils soient mobiles (animaux) ou non fixes (véhicule arrêté au milieu de la chaussée ou sur la bande d’arrêt d’urgence), sont des causes importantes d’accidents (de l’ordre de 10%).

En 2023, 73 % des personnes tuées sur autoroute l’ont été dans un accident sur une partie rectiligne ; 20 % sur chaussée mouillée. De plus, 56 % des occupants de véhicules sur autoroute ont été tués dans un accident où le véhicule a heurté un obstacle bordant la chaussée et dans deux tiers des cas il s’agit d’une glissière.

Facteurs liés aux véhicules

En 2023, 19 défaillances du véhicule ont été relevées concernant des véhicules impliqués dans les accidents mortels, soit : 7 défectuosités mécaniques, 5 problèmes de pneumatique, 5 d’éclairage, 1 de chargement et 1 incendie du véhicule.

Tableau des facteurs d’accidents mortels sur les autoroutes concédées.

Le grand tableau ci-dessous, qui ne concerne que les autoroutes concédées[6], liste tous les facteurs et donne, sur la décade 2014-2023, les nombres d’accidents pour chaque année et, en plus, la part moyenne en % qui revient à chaque facteur.

Ainsi, nous voyons apparaître une vingtaine d’autres facteurs que les principaux, dont certains interviennent avec un très faible pourcentage. La majorité des facteurs sont d’origine humaine, mais d’autres, comme les pneumatiques ou l’incendie, sont liés aux véhicules.

Il faut aussi noter que la vitesse intervient sous forme de trois types dans ce tableau : excessive, inadaptée à la météo ou au trafic. Ainsi, au total, le pourcentage moyen du facteur vitesse est la somme : 8% +1,3% +5,4% = 14,7%, soit le pourcentage moyen le plus élevé du tableau, comme il se doit. C’est une mauvaise manière faite à la vitesse que de la séparer en trois types pour diminuer l’importance de ce facteur d’accident !

III   Rôle de l’âge sur les facteurs principaux d’accidents mortels sur autoroutes.

Le graphique ci-dessous traduit l’influence de l’âge, évaluée pendant la période 2021-2023.

On observe que :

  • la “ vitesse excessive ou inadaptée “ est surtout présente chez les jeunes, et décroît avec l’âge.
  • Il en va de même avec le facteur alcool, qui ne touche pratiquement pas les plus de 65 ans.
  • Le facteur stupéfiant concerne plus particulièrement les 18-44 ans.
  • Le facteur « somnolence ou fatigue » gagne en importance chez les plus de 55 ans.
  • Le facteur « malaise » absent chez les 18-34 ans augmente progressivement avec l’âge.
  • Enfin, tous les âges sont sujets au facteur « inattention » à l’exception des 18-24 ans.

IV   Les différents types de collisions sur autoroutes

Le tableau ci-dessous répertorie les différents types de collision mortelle sur autoroute, avec les pourcentages de tués correspondants pour l’année 2023.

– Ce qui frappe le plus est le pourcentage extraordinairement élevé de tués, 33%, dans un accident de véhicule seul sans piéton, accident qualifié de « sans tiers »[8] .

– Tous les autres types d’accident ont des pourcentages de tués nettement inférieurs, telles les collisions par l’arrière, 20%, et les collisions multiples, 13%.

Il est aussi remarquable que les piétons sortis des véhicules, dont on n’imagine pas qu’ils jouent un grand rôle dans la mortalité sur autoroute, interviennent pour 10% des tués.

– Même s’il ne devrait jamais se produire sur autoroute, puisque les flux de véhicules en sens opposés sont séparés, 5% des tués le sont dans une collision frontale. Il s’agit des accidents qualifiés d’« à contresens »[9].

[1] On trouvera dans le rapport d’étude FLAM (Facteurs Liés aux Accidents Mortels) d’août 2021 du CEREMA un recensement des facteurs classés en trois catégories liées : à l’humain, à l’environnement ou au véhicule.
[2] ONISR, Bilan de l’accidentalité 2023 p.129
Ces taux de dépassement sur autoroutes sont toutefois inférieurs à ceux sur les routes à 2 ou 3 voies qui atteignent 54% de nuit et 39 % de jour. C’est pire encore en agglomération où la VMA est limitée à 50 km/h et où les dépassements sont au-dessus de 70% de nuit et de 55% de jour.
[3] ONISR, Bilan de l’accidentalité 2023 p.141.
[4] ASFA Bilan 2023 des accidents mortels sur autoroutes concédées.
[5] ONISR, Bilan de l’accidentalité 2023 p.137.
[6] ASFA, Bilan 2023 des accidents mortels sur autoroutes concédées, p. 42.
[7] ONISR, Bilan de l’accidentalité 2023 p.157. Ces facteurs sont moins fréquents que sur les routes bidirectionnelles interurbaines (33 %). Les 2×3 voies représentent 40 % des accidents mortels pour 21 % du kilométrage total d’autoroute.
[8] On trouvera sur le site de la Ligue https://www.violenceroutiere.fr/ plus d’informations sur ce sujet. à la rubrique « Les accidents sans tiers » de la partie « S’informer et comprendre ».
[9] On trouvera sur le site de la Ligue https://www.violenceroutiere.fr/ plus d’informations sur ce sujet à la rubrique « Les accidents à contresens » de la partie « S’informer et comprendre ».

Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 : avec la mobilisation de tous, c’est possible !

État des lieux

 

Le bilan
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