L’instrumentalisation par certains partis politiques de l’abaissement de la vitesse maximale à 80 km/h exclut la prise en compte de l’état des connaissances. Cela devient un outil destiné à nuire à l’intérêt général.

Claude Got: La lutte contre le mensonge doit être un objectif national. La manipulation des faits concernant l’accidentalité est un mensonge de nature politique à partir du moment où il est utilisé pour s’opposer à une décision politique importante concernant la sécurité.

Lire le dossier complet : Analyse du débat organisé par des sénateurs le 23 janvier 2018 avec le délégué interministériel à la sécurité routière Emmanuel Barbe

Vidéo BFM TV: 80 km/h ou 90 km/h qu’est-ce que cela change vraiment?

A lire dans cette page:
– « Les chiffres publiés par la Sécurité routière sont insupportables ! »   ( La Croix  le 17/03/2018  par Antoine Peillon) 
80 km/h : l’étude qui valide la limitation de vitesse sur les routes secondaires (La Croix 18/03/2018  par Anne-Laure Barret)
– Emmanuel Macron et « l’impact psychologique » des 80 km/h  (Le JDD 25/03/2018)
– Claude Got: Dans les départements ruraux, les « belles départementales » tuent davantage (le JDD 25/03/2018 Anne-Laure Barret)
– Pour la limitation de vitesse à 80 km/h, les chiffres parlent (La Croix 26/03/2018 Emmanuelle Lucas)


« Les chiffres publiés par la Sécurité routière sont insupportables ! »   ( La Croix  le 17/03/2018  par Antoine Peillon)

Alors que le nombre de morts sur les routes de France métropolitaine a augmenté de 5,9 %, en février, en comparaison du même mois de l’an dernier, Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la violence routière, répond aux questions de La Croix.

La Croix : Après un court répit, la mortalité routière repart fortement à la hausse, comme de 2013 à 2017. Est-ce une fatalité ?

Chantal Perrichon : Nous sommes à un moment crucial. Les chiffres publiés vendredi par la Sécurité routière sont insupportables ! Ils sont le résultat de l’abandon d’une véritable politique de sécurité routière depuis au moins cinq ans, notamment par le gouvernement précédant celui d’Édouard Philippe, l’actuel premier ministre. Ils sont aussi explicables par l’effet catastrophique des discours critiquant toute politique de sécurité routière, discours démagogiques qui incitent à la transgression de toutes les règles.

Cependant, nous sommes très impressionnés, à la Ligue, par le courage politique du premier ministre qui, malgré des pressions politiques considérables et le manque de solidarité de certains membres de son gouvernement, ne cède pas sur la mesure annoncée, en janvier, d’abaisser de 90 km/h à 80 km/h la vitesse maximale autorisée sur quelque 400 000 km de routes secondaires, à partir du 1er juillet.

La limitation de vitesse décidée par le gouvernement est-elle à même d’enrayer l’aggravation de la mortalité routière ?

Chantal Perrichon : Le premier ministre actuel, comme le président Jacques Chirac en 2002, a décrété que la sécurité routière est une « priorité nationale ». Mais le contexte politique a changé. Aujourd’hui, à travers les réseaux sociaux, que je nomme en l’occurrence « réseaux antisociaux », et le harcèlement des journalistes, le lobby pro-vitesse sur les routes inonde l’opinion publique de fausses informations délirantes.

Malheureusement, cette propagande anti-limitation de la vitesse est relayée aujourd’hui par une instrumentalisation politicienne de cette mauvaise cause. Des partis qui ont connu une sévère défaite lors de la dernière élection présidentielle tentent de retrouver une certaine popularité en usant d’arguments populistes et démagogiques contre la limitation de vitesse, en faisant fi de toutes les expertises sur le sujet. Des personnalités politiques comme Marine Le Pen et Laurent Wauquiez en ont fait leur nouveau cheval de bataille. Nous sommes très choqués par cette indécence. De même, nous sommes surpris par le silence de Nicolas Hulot et de Gérard Collomb, dont les responsabilités ministérielles (écologie et intérieur) sont pourtant si importantes dans ce dossier.

Quelles sont les raisons objectives de cette mesure tant décriée par certains ?

Chantal Perrichon : Toutes les études sur la mortalité et l’accidentalité routières (il y en a des dizaines) démontrent que 55 % des accidents mortels ont lieu sur ce réseau des routes dites « secondaires », en milieu rural, mais qui sont aussi des axes à forte densité de circulation. Trop d’élus sont dans le déni de cette réalité et s’expriment pourtant en tant qu’experts du sujet… Des chiffres définitivement probants seront prochainement publiés par le gouvernement, car une équipe d’experts authentiques travaille, depuis août 2017, auprès du premier ministre.

Nous savons d’ores et déjà que la moitié des accidents graves ont lieu sur un dixième du réseau routier national. À la Ligue, cela fait au moins dix ans que nous demandions en vain cette nouvelle limitation de la vitesse à 80 km/h sur ces routes particulièrement dangereuses.


80 km/h : l’étude qui valide la limitation de vitesse sur les routes secondaires (La Croix 18/03/2018  par Anne-Laure Barret)

Une estimation inédite montre que les accidents mortels se concentrent sur les axes secondaires en zone rurale et valide la volonté du gouvernement de limiter la vitesse à 80km/h.

Le professeur Claude Got repart en croisade. Le médecin à la retraite, spécialiste de l’étude des accidents de la circulation, traque « les fake news » propagées par les opposants à la limitation à 80 km/h sur les routes secondaires. « La pollution du débat public par le mensonge et la manipulation des faits pose un problème grave », tonne-t-il. Alors que Les Républicains se mobilisent contre un projet censé creuser « la fracture territoriale » et qui doit entrer en vigueur le 1er juillet, Claude Got s’est plongé dans une base de données du ministère de l’Intérieur.

Il a notamment calculé le nombre de morts pour 1 million d’habitants sur les routes de campagne, c’est-à-dire sur les axes au cœur de la polémique – ceux situés en dehors des agglomérations et des autoroutes. « En attendant la publication de chiffres officiels, j’ai voulu mettre en évidence le fait que la politique d’Édouard Philippe a un fondement rationnel », indique-t-il.


Plus de morts dans les départements ruraux

Comme le montre la première carte, le nombre de morts pour 1 million d’habitants est plus élevé dans certains départements ruraux (colorés en bordeaux) où la densité de population est faible : Orne, Yonne, Haute-Marne, Jura, Lozère, etc. En Haute-Loire par exemple, un de ces points noirs (et fief de Laurent Wauquiez, dont le parti conteste la nouvelle limitation), la proportion de tués hors agglomération s’élève à 79 %. « Dans ces zones où les services publics disparaissent, les gens circulent beaucoup, commente Claude Got. Ils font parfois de longs trajets pour gagner la préfecture ou aller chez le médecin. Des facteurs démographiques et géographiques expliquent donc ce taux élevé. » Près des zones urbaines, en revanche, le taux est plus faible, notamment du fait
des bouchons qui réduisent la vitesse moyenne.

Les belles départementales droites, qui ont été largement rénovées, sont plus dangereuses que celles tortueuses en montagne
Le spécialiste a présenté mercredi son étude devant le groupe de travail du Sénat sur la sécurité routière, qui s’est justement donné pour mission d’évaluer la « valeur scientifique » des travaux ayant convaincu le Premier ministre, Édouard Philippe, d’abaisser la vitesse de 10 km/h. Un des animateurs de ce groupe, Michel Raison, paysan à la retraite et élu LR de Haute-Saône (en rouge sur la carte), « hostile aux 80 km/h mais défenseur de la rigueur », n’a pas été ébranlé par la démonstration du professeur Got. « Plusieurs scientifiques sérieux viennent nous expliquer que plus la vitesse est importante, plus le risque de mourir est grand. Mais on apprend ça en CE1 ! » Pour le sénateur, comme pour de nombreux opposants à la réforme, il conviendrait au plus vite de « faire le tri
entre les routes dangereuses, où la vitesse serait réduite, et celles où la limitation à 90 km/h pourrait être maintenue ».

« Les belles départementales droites, qui ont été largement rénovées, sont plus dangereuses que celles tortueuses en montagne. C’est pour cela qu’il faut imposer le 80 partout, et pas seulement sur les routes qui donnent un ressenti de danger », rétorque Claude Got. En effet, le trafic est le principal facteur déterminant la densité des accidents.

Un autre argument répété en boucle par les anti-80 km/h a le don de hérisser le professeur de médecine : la perte de temps prétendument occasionnée par la réduction de la vitesse. « La gêne est minime, plaide-t-il. Les allongements de temps de parcours pour une quarantaine de kilomètres vont de zéro à trois minutes. »

Au fond, l’épidémiologiste se désole que les parlementaires et présidents de département des campagnes, majoritairement de droite, qui mènent la fronde contre la limitation à 80 km/h soient à ce point sourds aux lois de la physique et de la géographie : « Ils disent : “Touche pas à la mortalité de mon département, elle est parmi les plus élevées et j’en suis fier.” Ils se tirent une balle dans le pied en s’opposant à la réduction de la mort de leurs  enfants ! »

3.693 tués sur les routes de France en 2017
Alors que Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la violence routière, juge « insupportable la politisation d’un dossier majeur de santé publique »9, Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière, préfère, comme le professeur Got, diagnostiquer « un déni scientifique » dont souffrirait une bonne partie de la population.

Afin de le combattre, ce magistrat s’est lancé dans un tour de France à vocation pédagogique. Partout, il convoque la science mais aussi la mythologie pour tenter de convaincre que de nombreuses morts (3.693 tués en 2017 sur les routes de France) pourraient être évitées et qu’il faut cesser de payer « le prix du Minotaure ».

De villages en petits bourgs, Emmanuel Barbe trouve souvent matière à un certain optimisme : ces mêmes élus accros à la limitation à 90 km/h ont, de leur plein gré, parsemé les rues de zones limitées à 30 km/h. En matière de sécurité routière comme en politique, dos-d’âne et chicanes sont fréquents.

Quinze départements paient un lourd tribut
Le calcul du nombre de morts hors agglomération et hors autoroutes pour 1 million d’habitants a été réalisé à partir de données portant sur les années 2012-2015 puisées dans les bordereaux d’analyse des accidents corporels (BAAC), qui alimentent une base du ministère de l’Intérieur. Selon l’estimation réalisée par le médecin Claude Got, quinze départements ruraux (colorés en bordeaux), où la densité de la population est faible, sont très lourdement frappés.

En Haute-Loire (227.000 habitants, 42 habitants au kilomètre carré), la mortalité hors agglomération est ainsi de 74 pour 1 million d’habitants, soit 79 % de morts hors agglomération. Dans la Lozère voisine (75.000 habitants, 15 habitants au kilomètre carré), elle est de 139 pour 1 million d’habitants, ce qui équivaut à 72 % de morts sur des routes secondaires. L’étude complète est à retrouver sur le blog de Claude Got


Emmanuel Macron et « l’impact psychologique » des 80 km/h  (Le JDD 25/03/2018)

INDISCRET – Emmanuel Macron commente la grogne qui monte contre la réduction à 80 km/h de la vitesse autorisée.

En coulisses, Emmanuel Macron ne semblerait pas plus attaché que ça à l’abaissement à 80 km/k de la vitesse maximale sur les routes secondaires. (1) Ces dernières semaines, plusieurs de ses proches, notamment cités par Le Monde ou Le Parisien, ont confié que le chef de l’Etat « n’était pas chaud » ou encore que « c’est Edouard Philippe qui voulait cette mesure ». « On est face à quelque chose qui relève de la psychologie collective », analyse Emmanuel Macron dans le JDD face à la grogne qui monte contre le dispositif.

Et le chef de l’Etat de développer : « Sur un trajet de 40 km, c’est deux minutes de plus. » « Ce n’est pas énorme, mais on est face à un pays bloqué où ce genre de mesure a un impact psychologique fort. Il faut absolument l’expliquer », estime encore le Président. Officiellement, Emmanuel Macron reste toutefois au côté de son Premier ministre. Le 15 mars dernier, lors de la visite d’une école en Touraine, il défendait déjà la mesure face à un élu qui l’interpellait : « Il ne faut pas faire du misérabilisme du rural […] Il faut expliquer la mesure aux gens. »


Dans les départements ruraux, les « belles départementales » tuent davantage (le JDD 25/03/2018 Anne-Laure Barret)

INFOGRAPHIE – Les accidents mortels sont plus fréquents sur les routes du réseau secondaire. La carte que nous publions montre même que les routes en bon état sont aussi accidentogènes.

Les routes de bonne qualité sont aussi très accidentogènes dans les territoires ruraux. (JDData)

 

On meurt moins sur les belles départementales? En matière de sécurité au volant, serinent les experts, le ressenti est souvent trompeur. Encore faut-il pouvoir en convaincre les Français. Le JDD s’est procuré une partie de l’étude attendue par Édouard Philippe pour démontrer la pertinence d’un passage à 80 km/h sur toutes les voies secondaires, quel que soit leur état. Ces statistiques concernent 28 départements sur 100, pour la période 2012-2016. Elles indiquent que, dans les départements à faible densité de population, la majorité des accidents mortels surviennent sur les routes nationales et départementales, considérées à tort par les conducteurs comme les moins dangereuses.

Les axes en très bon état concentrent 50% des tués

Selon les calculs de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), les axes en très bon état concentrent 50% des tués – avec des pics de 80% en Haute-Loire ou dans le Cantal – alors qu’ils ne représentent que 15% de l’ensemble des deux voies.

Quand on lui soumet ces résultats, Claude Got pousse un soupir de soulagement (2). Le professeur de médecine à la retraite, spécialiste de l’étude des accidents de la circulation, peine à faire entendre, sur les plateaux télé où il est souvent invité à débattre, un phénomène bien connu des spécialistes : il y a beaucoup de décès sur les belles routes car le trafic y est très important.

« Ces chiffres officiels, significatifs même s’ils restent partiels, sont précieux, réagit Claude Got. Ils montrent que l’argumentaire de certains élus de départements ruraux, ceux qui clament que le 80 km/h est un coup dur porté par des Parisiens pour brimer les territoires, est complètement erroné. » L’infatigable militant de la sécurité routière attend maintenant du ministère de l’Intérieur qu’il produise des cartes où figureront en rouge les tronçons les plus meurtriers dans chaque département. Des chiffres et des images choc pour espérer contrer de dangereuses fausses impressions.

(2) Voir la revue 12 : « 80 km/h : l’étude qui valide la limitation de vitesse sur les routes secondaires » La Croix 18/03/2018 Anne-Laure Barret

(1) Voir la revue 11 : « Indre-et-Loire. E. Macron sur les routes secondaires à 80 km/h : « ce n’est pas grave » » (Info-Tours.fr 15/03/2018) ;

et les articles de la revue 12 :

  • « Edouard Philippe tient bon sur la limitation de vitesse sur les routes secondaires malgré les autres propositions faites à Emmanuel Macron » FranceInfo 21/03/2018 « Le brief politique »
  • « Darmanin: « Je suis automobiliste, le peuple est automobiliste. » »com 22/03/2018

Pour la limitation de vitesse à 80 km/h, les chiffres parlent (La Croix 26/03/2018 Emmanuelle Lucas)

Selon des chiffres officiels révélés par Le Journal du dimanche, la majorité des accidents mortels surviennent sur certaines routes nationales et départementales considérées par les automobilistes comme les moins dangereuses.

Voilà de quoi conforter Édouard Philippe. La semaine dernière, le premier ministre a rappelé sa « totale » détermination à ramener à 80 km/h la vitesse maximale sur les routes secondaires en dépit des vives critiques que cette mesure suscite. Elle devrait être appliquée le 1er juillet sur l’ensemble des routes secondaires sans séparateur de voies.

Des chiffres de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), qui est chargé d’éclairer les décisions politiques, ont été publiés dans le Journal du dimanche d’hier. Ils viennent confirmer la nécessité d’une telle limitation.

Selon les résultats de l’étude à laquelle l’hebdomadaire a eu partiellement accès, dans 28 départements sur 100, les accidents mortels se produisent le plus souvent sur des routes nationales et départementales jugées à tort par les automobilistes comme les plus sûres. Il y aurait donc un fort décalage entre ce que les automobilistes perçoivent comme de « belles routes » et leur dangerosité réelle. « Les axes en très bon état concentrent 50 % des tués – avec des pics de 80 % en Haute-Loire et dans le Cantal – alors qu’ils ne représentent que 15 % de l’ensemble des deux voies », concluent par exemple l’ONISR.

Ce constat ne surprend pas Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre les violences routières. « Les experts savent cela depuis longtemps », explique la militante. En effet, plusieurs études, notamment celles menées par Claude Got, ont déjà rendu des conclusions similaires. Les « belles » routes seraient en fait les plus meurtrières car le trafic y est plus important que sur des axes plus dégradés, que les automobilistes évitent d’emprunter. Il y aurait donc une réelle nécessité à limiter la vitesse à 80 km/h sur l’ensemble des routes, même celles qui sont en bon état. Le Conseil national de la sécurité routière (CNSR) avait d’ailleurs recommandé ce changement du code de la route dès 2014 et les experts estiment que cette mesure permettrait de sauver de 210 à 400 vies par an.

Selon Chantal Perrichon, ces nouveaux chiffres ont néanmoins le mérite de venir d’une source officielle et non militante, ce qui les rendra, espère-t-elle, incontestables. « Je regrette d’ailleurs que leur publication ne soit pas survenue plus tôt, avant le comité interministériel du 9 janvier, lors duquel nous avons dû écouter les arguments non fondés d’élus qui ignorent tout de la sécurité routière et l’utilisent à des fins politiciennes. » 

Il n’est pas sûr pourtant qu’ils suffisent à convaincre tous les protagonistes. Ce week-end, près de 1 000 motards ont ainsi manifesté en Bretagne contre cette future limitation de vitesse.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

État des lieux

Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 :

Avec la mobilisation de tous, c’est possible !

Le bilan
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