Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 : avec la mobilisation de tous, c’est possible !
État des lieux
— Témoignage de Jordane, sœur de Marving
4 JUIN 2024
Le début de notre tragédie commence, le 4 juin 2024 à 11 heures 45 à Clamart. L’in- terphone sonne. « Bonjour Madame, Je suis journaliste, il y a quelqu’un qui est mort dans votre immeuble, il s’appelle Marving Akpa. » Le cri déchirant de ma mère, Marie-Louise, résonne dans tout l’appartement, réveillant ma petite sœur Ida. En larmes, Ida se précipite à l’hôpital Béclère, espérant trouver des réponses sur notre frère.
À 13 heures, toute la famille est réunie au poste de Police de Paris 13. On nous annonce les faits. Un mineur de 14 ans, sous surveillance judiciaire, avait volé une voiture et refusé d’obtempérer. La Police l’a poursuivi, et sur ce chemin tragique, ce mineur a perdu le contrôle et a percuté notre frère de plein fouet alors qu’il rentrait chez lui. La brigadière nous rassure, elle va nous accompagner à l’Institut Médico-Légal (IML) pour identifier le corps. Nous espérons encore que ce n’est pas lui. Finalement, la Police nous demande d’aller à IML sans leur accompagnement, ni de soutien psychologique, en vitesse, en mode automatique, nous y allons. Avec du recul, il est difficile de croire que tout cela était normal. L’IML était d’ailleurs fermé à cette heure-là. Le lendemain, nous nous sommes rendus à l’IML. Là, derrière une vitre, enveloppé dans un drap blanc, nous l’avons vu. Son profil était intact. Il semblait paisible, presque comme s’il souriait dans son sommeil. Mon frère était un très bel homme. Mais Hélas, c’est bel et bien la fin. Notre frère que nous surnommons tendrement Bidou, nous a quittés ce 4 juin. Tandis que cet adolescent, au volant, s’en est sorti avec une simple égratignure.
Un autre choc nous attendait : Bidou a été identifié sous X. Nous avons donc dû attendre un permis d’inhumer. Cette incompréhension a rendu la douleur encore plus insoutenable.
Les jours passent, et malgré la souffrance, il nous faut trouver le courage pour orga- niser les funérailles de notre frère tout en attendant la permission d’inhumer. Le 02 juillet 2024, Bidou a été inhumé à Clamart. Notre esprit refuse de l’accepter, mais la réalité nous frappe de plein fouet : il est vraiment parti.
En septembre, mon père, soutenu par toute la famille, s’est rendu en Côte d’Ivoire pour organiser une cérémonie d’adieu traditionnelle. Ce geste symbo- lique visait à honorer la mémoire de son fils aîné, qui n’a jamais eu l’occasion de connaître son pays d’origine.
Une autre date clé revêt une importance particulière dans notre quête d’apaise- ment de notre douleur : le 5 octobre, nous avons organisé une marche blanche à Clamart pour retracer son dernier trajet. Ce fut une étape importante pour la famille et les amis proches, afin d’honorer la mémoire de notre frère.
Aujourd’hui, je n’arrive toujours pas à assimiler ce qui s’est passé. La mort de mon petit frère est une douleur que je ressens chaque jour. Je me souviens, je revois son beau sourire, la fierté dans ses yeux à mon égard et j’entends en boucle sa voix qui criait “ogolo”. Il me surnommait soit “ ma soeur’ ou “ ogolo”.
Une question centrale ne cesse de revenir à répétition.
Comment un mineur de 14 ans peut-il se retrouver au volant d’une 3008 volée, avoir suffisamment de confiance pour refuser d’obtempérer aux autorités, et conduire à grande vitesse de manière aussi dangereuse et finir par prendre la vie de mon frère ?
L’adolescent de 14 ans risque au maximum 5 ans de prison et moins de 7 600 € d’amende. La réponse de la justice française nous assomme par son incohérence et son manque de compréhension face à la gravité de notre situation. C’est tout simplement scandaleux. Nous sommes encore sur un long chemin entre notre propre guérison, rendre justice à la hauteur de nos moyens et continuer de faire vivre notre frère dans notre « Cœur. »
« Aujourd’hui, je n’arrive toujours pas à assimiler ce qui s’est passé.»
Je tiens à remercier les amis de Bidou pour leur soutien exceptionnel depuis l’accident et les communautés religieuses chrétiennes et musulmanes qui ont prié pour mon frère. Un grand merci au cabinet du maire de Clamart pour son aide dans l’organisation des cérémonies, ainsi qu’à la Police qui a encadré la marche blanche, assurant que tout se soit déroulé en toute sécurité. Votre soutien a été d’une immense importance pour notre famille durant cette période difficile.
Nous t’aimons Bidou, tu resteras dans notre Cœur.
État des lieux