Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 : avec la mobilisation de tous, c’est possible !
État des lieux
Justice a été rendue par deux fois, le 20 mai, en faveur de la Ligue : au Tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand et au même moment à la 17 e Chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Paris !
Après des réquisitions écrites de non-lieux réitérées à deux reprises par le procureur de la République, le Tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand devait se prononcer sur la plainte avec constitution de partie civile de D. Bussereau, président du Conseil départemental de Charente-Maritime et de l’Assemblée des Départements de France sur la phrase que j’avais prononcée le 16 mai 2019 : « Nous allons payer le prix du sang la pseudo responsabilité des élus qui préfèrent leur mandat à la sécurité des citoyens » , à propos de l’assouplissement qui allait aboutir au retour à 90 km/h dans certains départements. Ces propos, je les ai tenus sciemment. Toute décision
qui implique la vie de nos concitoyens sur la route présuppose nécessairement un minimum de connaissances. Comment ignorer encore que, quel que soit le pays et les voies concernées, accroître la vitesse entraîne nécessairement l’augmentation du nombre de morts et de blessés.
Nul n’a le droit de balayer d’un revers de main cette réalité.
À cette audience sont venues témoigner quatre personnes dont j’ai à cœur de partager quelques
réflexions :
Ainsi Jean-Yves Lamant (1) : « Je suis venu soutenir notre Présidente, en disant devant vous je suis Chantal Perrichon, je suis la Ligue contre la violence routière… pour défendre la liberté d’expression. Je suis venu dire que, dans ce monde où la désinformation sévit de plus en plus, j’ai confiance dans la Justice de mon pays pour dire la vérité et rétablir le vrai sens des propos tenus. Je suis venu alerter sur la fragilité des associations qui, comme la Ligue, luttent pour l’intérêt général et la santé publique. La Ligue ne mérite pas d’être affaiblie par des attaques qui visent à détruire sa crédibilité et à la bâillonner. La Ligue est fière d’avoir été très souvent seule à défendre les avancées majeures de la sécurité routière et à avoir pu ainsi contribuer à
sauver des vies ».
Puis, Philippe Lauwick (2) : « “Le prix du sang” : j’ai moi aussi, sans concertation préalable avec Chantal Perrichon, employé la même expression dans un article pour La Voix du Nord . Les médecins ont l’expérience violente du sang quand ils sont confrontés à un mort ou un blessé de la route. Quant à la seconde partie de la phrase incriminée, j’ai fait usage de mots différents, mais ayant la même portée, notamment dans une tribune cosignée avec Manuel Valls, ancien Premier ministre, et des élus ou anciens présidents du CNSR. Nous avions qualifié l’opposition de certains politiques au 80 km/h de populisme ».
Intervention de Claude Got (3) : « Dans l’attente d’une décision de justice, nous pouvions avoir une crainte légitime de divergence entre la réalité des faits et ce que l’on veut leur faire dire. Dans la phrase de la Présidente, la dérive décisionnelle ne concerne pas tous les élus, c’est une minorité d’entre eux qui ont trompé. Ils ont opéré une falsification de leur mandat en prétendant avoir la capacité de pouvoir remonter la vitesse à 90 km/h sans en payer le prix du sang. Le mot pseudo signifie mensonge quand il est utilisé comme préfixe afin de caractériser la seconde partie d’un mot comme fausse ».
Et s’il en avait eu le temps…
« L’attente du 20 mai a été longue, j’espérais disposer d’un bon quart d’heure pour résumer la somme d’erreurs qui ont détruit la bonne reprise de la sécurité routière obtenue en 2018 par la limitation de la vitesse maximale à 80 km/h. J’ai demandé de quel temps je pouvais disposer et la réponse a été assez froide : “5 minutes”. J’ai eu la tentation brève de proposer d’en rester là pour faire gagner du temps à tout le monde, mais cela pouvait être contre-productif. Il était préférable d’énumérer les faits qui détruisent la validité des arguments utilisés par les opposants au 80 km/h. Avoir une échelle des proportions de voies remises à 90 allant selon les départements de 1 % à 100 % exprime l’absence de validité de la procédure. Utiliser des arguments privilégiant la qualité des routes est une erreur ; les routes ont des accidents qui ont pour cause principale le trafic. La remise à 90 d’une vitesse maximale rétablit le niveau initial de 2017. L’absence de
prise en compte de la mortalité exprimée par million d’habitants est une autre erreur majeure.
La loi permettant de remonter la vitesse à 90 km/h avait une ambiguïté redoutable. Elle permettait de remonter des sections de routes à 90 km/h par une décision prenant : “la forme d’un arrêté motivé, pris après avis de la commission départementale de la sécurité routière, sur la base d’une étude d’accidentalité portant sur chacune des sections de route concernées (4) ” . Le texte ne précisait pas les conditions pour adopter les arrêtés. Les variations des décisions prises expriment cette insuffisance. Les conseils donnés n’étaient pas contraignants. L’accidentalité est un terme qui doit être suivi de mots précisant de quelle accidentalité on parle : toutes les formes d’accidents ? La mortalité par kilomètres parcourus ? la mortalité par kilomètres de voies ? Préciser ce que l’on attendait d’une étude d’accidentalité était une nécessité, elle imposait de définir les méthodes mises en œuvre et de publier les résultats attendus, justifiant la décision. L’absence de ces méthodes indique une omission volontaire. Elles ont un intérêt pour améliorer des infrastructures, mais il s’agit de procédures lentes qui ne peuvent pas justifier la réduction ou l’accroissement d’une vitesse à un moment donné.
Ce cumul des erreurs, a été rappelé sommairement ici et son déficit de qualité a permis à certains présidents des conseils départementaux de faire n’importe quoi.
Ce 20 mai, Maître Honnorat a su associer les faits et les mots en évoquant la mort évitable, la perte du sens des valeurs, et l’usage du mensonge qui détruit la qualité d’un mandat. »
Enfin, Pierre Lagache (5) : « Le fait de dénoncer l’absence de responsabilité de certains élus et de s’en indigner fait partie du combat pour la sécurité routière. Cette capacité d’indignation, est dans l’ADN de la Ligue. Son expression publique, notamment dans les médias, fait progresser la cause de la sécurité routière. Dans la revue Pondération , la rubrique Indignations a d’ailleurs été créée.
Dans chaque numéro, nous dénonçons des manquements, des incohérences, des fautes qui sont commises. Il s’agit d’un acte démocratique, même et surtout lorsque nous nous adressons aux élus. La Ligue peut dénoncer avec force, mais elle reste toujours dans la mesure, sans agresser ni injurier. Cela fait partie de ses valeurs. Quant au prix du sang… comment évoquer l’extrême violence du drame de l’accident routier sans évoquer le sang et les larmes ? Cette réalité, la Ligue la connaît et refuse de la banaliser ! ».
Dans un prochain numéro, nous publierons, avec leur accord, les témoignages écrits de Thierry Fassenot (6) , Yves Goasdoué (7) et Ghislaine Leverrier (8) . Ces témoins, d’horizons divers, sont la démonstration du vieil adage que l’union fait la force.
Au tout dernier moment, notre avocat, Maître François Honnorat, qui avait cité comme témoins les trois présidents des conseils départementaux (9) qui sont parmi ceux qui ont les plus mauvais résultats en France, a appris qu’ils se portaient partie civile, pour ne pas avoir à comparaître en qualité de témoins et s’exposer à des questions concernant la justification des mesures qu’ils avaient prises… Notre avocat ne s’est pas contenté ce jour-là de dire le droit ; sa plaidoirie sur le fond a traduit sa parfaite connaissance de la sécurité routière et du rôle de la vitesse en particulier.
Au final de cette journée mémorable, j’ai été relaxée grâce à tous ceux qui, directement ou indirectement, m’ont soutenue dans ce procès. Une victoire collective !
À la même heure, la justice était rendue à Paris. Neuf prévenus étaient poursuivis pour délits d’injures publiques envers un particulier : ceux qui avaient pu être identifiés sur la cinquantaine qui sévit depuis des années sur les réseaux asociaux ; certains utilisent plusieurs pseudos pour donner l’impression que la meute est plus grande qu’elle n’est en réalité. Sur les neuf, cinq ont été condamnés et quatre relaxés. Ils ont dû faire repentance devant la Cour et demander avec déférence qu’il n’y ait rien sur leur casier judiciaire. Comble du courage : l’un d’eux se demande qui a bien pu utiliser son compte personnel ! Gare aux obstinés, nous serons toujours intraitables avec ces dérapages, la loi a changé récemment et sera moins clémente !
Je dédie ce numéro de Pondération à ceux qui sont morts durant le confinement, non à cause de la Covid-19, mais parce qu’ils ont été tués par des chauffards qui ont utilisé les routes comme un exutoire !
(1) Vice-Président de la Ligue contre la violence routière.
(2) Président de l’Automobile Club Médical de France et Président de commission au Conseil National de Sécurité Routière.
(3) Professeur Honoraire de médecine.
(4) Loi d’Orientation des Mobilités (LOM). Rédacteur en Chef de la revue Pondération .
(6) Ingénieur conseil à la CNAM.
(7) Président du Conseil National de Sécurité Routière.
(8) Présidente de la Ligue contre la violence routière de 1994 à 1998.
(9) PCD de la Haute-Marne, PCD de la Corrèze et PCD des Hautes-Alpes.
État des lieux