Editorial de Pondération n°123 janvier 2021

Chantal Perrichon Présidente de la Ligue contre la violence routière

Confinements obligent, nous avons pu observer une baisse de l’accidentalité dans notre pays, et si cette constatation semble convenir à nos décideurs, elle ne satisfait pas les militants de notre association dont l’objectif ne varie pas au gré de l’actualité.

Nous sommes d’autant plus mécontents qu’une amnésie fort à propos semble avoir également frappé ces mêmes décideurs. Qui de nous a oublié cette déclaration du 27 novembre 2012 de Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur : « Nous voulons réduire de moitié la mortalité d’ici à la fin de la décennie et donc passer sous le seuil des 2 000 tués en 2020 » ?

Audacieux mais réalisable, puisque les experts du Conseil National de Sécurité Routière se sont engouffrés dans cette proposition pour publier en novembre 2013 un rapport intitulé : «Proposition d’une stratégie pour diviser par deux le nombre des personnes tuées ou blessées gravement d’ici 2020 ». Qui pouvait alors douter de la faisabilité de cette prise de position ? Sûrement pas nous, à la lecture du nom des experts qui avaient co-signé ce rapport !

Depuis que la Ligue existe nous avons été bercés de faux espoirs, de promesses qui n’engageaient visiblement que ceux qui voulaient bien y croire. Mais en l’occurrence, nous pouvions espérer que le tandem M. Valls et F. Péchenard (1) allait enfin mettre à mal la forme olympique que nous entretenons habituellement pour la passivité et l’inertie. Un changement de gouvernement n’a pas poursuivi leur stratégie puisque le successeur de M. Valls, B. Cazeneuve, a préféré éviter
tout conflit en optant pour 81 mesurettes « tous azimuts » et en lançant une pseudo-expérimentation pour le 80 km/h (la mesure qui devait nous permettre de réaliser l’objectif) sur … 81 km de routes. Il fallait oser. Ce fut fait.

Dans cette période de grands bouleversements qui frappent tous les pays, une constante immuable : le sérieux qui préside aux rencontres internationales. Le 3 décembre 2020, une réunion de collaboration avec les Nations-Unis présidée par l’OMS, rassemblait une quinzaine de pays et une cinquantaine d’associations, tous toujours friands d’être présents à ce genre de grands raouts. Il faut en être. : j’y suis donc, j’agis.

« L’objectif de diviser par deux le nombre de tués et de blessés graves à l’horizon 2030 est atteignable … Le système sûr … Les échanges de bonnes pratiques entre les pays pour la communication … Le 30 km/h en ville » Cela ne vous rappelle-t-il rien ?

Tout a déjà été listé et ressassé. Cependant, à noter aujourd’hui une accentuation sur la vitesse mise en exergue comme facteur principal des accidents pour montrer que la science finit par pénétrer les sphères les plus surveillées, captives des lobbies. Maigre est le bilan de la sécurité routière de l’UE qui se contente de collationner les résultats de chaque pays. Par manque de courage politique, elle privilégie les intérêts commerciaux des parties prenantes puissantes (les constructeurs automobiles allemands) au détriment de l’intérêt général. Elle n’a jamais joué son rôle et nous attendons encore à ce jour le volontarisme qui lui a toujours fait défaut.

Mais tous les pays ne se contentent pas d’être présents où il convient d’être, pas plus qu’ils ne misent sur les leurres que sont devenus les nouveaux chiffres de l’accidentalité qui découlent de la pandémie. Ainsi l’Espagne vient à nouveau de nous prouver que le volontarisme en sécurité routière n’est pas abstrait en faisant passer Madrid à 30 km/h. Jusqu’ici quelques zones 30 à Berlin, Londres, Paris et quelques autres villes, comme Bruxelles, Zurich, Bâle, Berne … Ce 30 km/h est dû à la pugnacité de Pere Navarro (2) , Directeur Général du trafic, qui contre vents et marées (deux années de lutte pour que le projet soit accepté par ce gouvernement) et neuf ans après sa première tentative, lors de son premier mandat de Directeur Général qui se termina en 2011. Ainsi va la vie.

Je dédie ce numéro de Pondération aux gendarmes et aux policiers qui chaque jour sont insultés et mis en danger lors des contrôles qu’ils effectuent pour nous protéger. La presse titre régulièrement : « pronostic vital engagé … dans un état grave après avoir été percuté par un fuyard … renversé et gravement blessé lors d’un contrôle ». Cette violence quotidienne insupportable semble se banaliser depuis des années et croître tout particulièrement depuis deux ans.
Aujourd’hui les forces de l’ordre constatent un refus d’obtempérer en moyenne toutes les 30 minutes. Une fois sur quatre le chauffard tente de heurter ou blesser celui qui veut l’interpeller.

Ajoutons à ces délinquants qui roulent souvent sans permis, sans assurances, sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants, à bord de véhicules volés, les décérébrés qui se relaient pour signaler et plomber les dispositifs mis en place pour les contrôles d’alcool notamment … Nous attendons de la justice qu’elle se montre implacable et qu’une communication efficace montre que ces agissements sont sanctionnés lourdement et systématiquement.

(1) Ancien Délégué interministériel à la DSCR.
(2) Le Directeur Général qui a mis en place le permis à points en 2006.

État des lieux

Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 :

Avec la mobilisation de tous, c’est possible !

Le bilan
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