Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 : avec la mobilisation de tous, c’est possible !
État des lieux
Dans le panégyrique élaboré par les médias à l’annonce du décès de Jacques Chirac, force fut de constater qu’épargner des vies en refusant de porter la guerre en Irak l’emportait de loin sur les 40 000 vies sauvées et les dizaines de milliers de handicaps évités en France, depuis 2003, grâce à sa politique menée contre la guerre civile permanente de la violence routière.
Durant la campagne pour les élections présidentielles de mai 2002, nous avions pu constater l’évolution du Président qui, hésitant au départ, s’était engagé en avril 2002 à supprimer l’amnistie présidentielle pour toute infraction au Code de la route s’il était élu, ce qui revenait à prendre à rebrousse-poil une fraction de l’électorat. Cette particularité française causait alors la mort de cinq à six cents personnes à chaque élection, de nombreux conducteurs relâchant leur comportement.
Nous écrivions à l’époque dans Pondération 1 que nous voulions « en finir avec l’amnistie parce qu’une majorité de Français aurait une piètre opinion d’un Président qui inciterait à l’inobservance de la loi pour gagner quelques voix en évitant de déplaire à un petit pourcentage de conducteurs en infraction ». Cette promesse tenue, et l’annonce faite lors du 14 juillet 2002 sur la priorité donnée aux enjeux humains (le cancer, le handicap, l’insécurité routière) commençaient à entamer notre scepticisme. Tant de discours, de protestations de bonne foi, lors des gouvernements précédents, pour aboutir à des échecs scandaleux, nous avaient rendus méfiants. Et pourtant… Entouré de collaborateurs compétents 2 investis de la confiance du Président, tout fut mis en œuvre pour obtenir rapidement des résultats. Une succession de décisions, basées sur la connaissance et l’expertise, mit un terme à la démagogie des cinq années précédentes au profit de la vie des citoyens. J. Chirac, « homme de voiture », toujours pressé, avait évolué et au contact du monde rural, avait pris conscience que la violence routière endeuillait cruellement les familles qu’il rencontrait.
Médusés, nous allions être les témoins d’une succession d’événements tous plus symboliques et porteurs d’espoir les uns que les autres. Ainsi, le 17 septembre 2002, au théâtre de l’Empire, plus de mille personnes furent conviées en présence du Premier ministre J.-P. Raffarin, de son prédécesseur A. Juppé et d’une dizaine de ministres dont N. Sarkozy, en charge de l’Intérieur, G. de Robien, des Transports, D. Perben, de la Justice, etc. Plusieurs heures durant, ministres, experts et associations témoignèrent sur la violence routière et proposèrent des décisions. Le 27 septembre, le Président de la République prononça un discours visionnaire au Mondial de l’automobile. « Deux impératifs qui s’imposent de plus en plus à tous, et notamment aux jeunes : c’est le respect de l’environnement et de la sécurité routière… Nous savons tous les risques que les émissions de gaz à effet de serre font peser sur l’évolution du climat et sur la préservation de l’environnement. Il ne faut pas baisser la garde : toutes les prévisions indiquent que si rien n’était fait, le secteur des transports continuerait à accroître ses émissions de dioxyde de carbone, qui est le principal gaz à effet de serre, malgré les engagements volontaires des constructeurs européens. J’attends pour ma part des constructeurs qu’ils intensifient, comme on a pu en voir un certain nombre de témoignages ce matin, leurs recherches pour permettre une baisse de la consommation, et ainsi de l’émission de dioxyde de carbone… »
Après avoir alerté le monde entier à Johannesburg le 2 septembre sur l’urgence de prendre en considération les dangers du réchauffement climatique, il persévérait face aux constructeurs.
En lisant les Mémoires de Jacques Chirac 3, nous redécouvrons les fondements de sa détermination : « …La violence routière compte encore en 2002 parmi les grands fléaux du monde contemporain, particulièrement en France. Nos routes sont alors considérées comme les plus dangereuses d’Europe. Le nombre de victimes bat des records : plus de 8 000 morts par an. Au fil du temps, la société semble s’être habituée ou plutôt résignée à payer ainsi une sorte de tribut à ce qui est ressenti comme une fatalité, faute de mesure adéquate pour le conjurer. L’État se doit de réagir, sauf à laisser se perpétuer une hécatombe chaque année plus impressionnante. Pour briser le mur du silence, de l’égoïsme, de l’indifférence, j’ai résolu de faire de cette question un enjeu politique, au sens le plus noble du terme. La violence routière happe des vies, brise des familles, frappe bien souvent les plus jeunes. Elle est d’autant plus scandaleuse que les moyens pour la faire diminuer existent ».
Des discours engagés certes, mais suivis d’un passage à l’acte à la hauteur des annonces. Résultat ? 2 474 vies sauvées en deux ans, alors que le gouvernement précédent n’en avait épargné que 192 en 5 ans.
Nous aimerions qu’aujourd’hui ces impératifs, humain et écologique, soient partagés par ceux qui nous gouvernent, avec la même efficacité.
Je dédie ce numéro de Pondération aux citoyens du monde entier qui meurent sur les routes quand leurs gouvernements n’assument pas leur devoir de protection !
(1) Numéro 51 de Pondération, en première de couverture.
(2) Stéphane Dupré La Tour, conseiller Industrie, Transports, Sécurité et Recherche du Président, Rémy Heitz, Délégué Interministériel à la Sécurité Routière, Dominique Lebrun, conseiller de
Gilles de Robien aux Transports, François Gauthey, conseiller de l’Équipement, du Logement et des Transports.
(3) Jacques Chirac, Le temps présidentiel, Tome 2, p. 457 et suivantes.
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