État des lieux
Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 :
Avec la mobilisation de tous, c’est possible !
SAUVÉ LE 80 KM/H ? OU TOUJOURS À LA MERCI DES TUEURS DE CETTE MESURE QUE RIEN NI PERSONNE NE SAURAIENT ARRÊTER ?
Les chiffres viennent de tomber : « Ce sont des résultats historiques. Le mot est parfois utilisé, pas forcément à propos, mais en l’occurrence c’est vrai, ce sont des chiffres historiques. Depuis qu’on mesure l’accidentologie routière, il n’y a jamais eu aussi peu de morts sur les routes françaises. C’est l’année 2018, où l’on aura compté le moins de morts sur les routes françaises, métropole et outremer compris. En 2018 les chiffres sont les suivants : 3 259 personnes ont perdu la vie sur les routes de la France métropolitaine. C’est beaucoup 3 259, mais c’est 189 morts de moins qu’en 2017. 189. C’est 3 950 blessés de moins qu’en 2017. 3 950 blessés de moins, et le nombre de blessés hospitalisés et je le dis ici à dessein, le nombre de blessés hospitalisés pendant plus de 24 h, c’est-à-dire les plus graves, a baissé, mesdames et messieurs, de 25 %. Le nombre de blessés hospitalisés pendant plus de 24 h a baissé de 25 %. Je n’ai pas peur de le dire, c’est un chiffre exceptionnel. »(1).
Nous devons cette victoire sur la mort et le handicap à Édouard Philippe, un Premier ministre qui a fondé son choix sur l’état des connaissances. Il n’a jamais faibli face aux attaques indignes de politiciens incompétents, soumis au diktat de l’acceptabilité électoraliste. Ils osent exploiter la notion de temps perdu dans les « territoires » (5 secondes par km, alors que suivre un tracteur dans une petite agglomération ou attendre le passage au vert d’un feu rouge peut en faire perdre 10 fois plus !). Ils veulent ignorer que les vitesses moyennes dans les zones rurales, à faible densité de population, sont beaucoup plus élevées que dans les banlieues de grandes villes.
Les bons résultats de 2018 à peine annoncés, les meutes se sont reconstituées pour nier, mettre en doute, affaiblir la portée de la mesure et diminuer le rôle du 80 dans cette baisse spectaculaire du nombre des victimes qui a permis de regagner en un an ce que la coupable inertie politique du quinquennat précédent avait causé en trois ans. Nous avons dû subir tous les poncifs appelant à respecter les élus locaux et à s’en remettre à leur prétendue connaissance du terrain, alors qu’ils se sont montrés incapables de fournir des cartes départementales indiquant les voies qu’ils voulaient maintenir à 90 ! Quand ils se plaignent de n’être ni entendus, ni respectés par un État autoritaire qui les ignore et décide sans eux, ils oublient que les responsables départementaux ont été consultés par le CEREMA et l’ONISR(2) pour qu’ils transmettent les caractéristiques de leur réseau routier, afin d’appréhender les critères de hiérarchisation de ces réseaux et l’accidentalité pour chaque catégorie de voie. Or, sur 100 départements, 29 ont répondu ! Seuls 8 d’entre eux ont été capables de définir l’accidentalité par catégorie de routes. Nous ne pouvons pas confier notre vie à des irresponsables qui méconnaissent le partage des rôles entre l’État et les départements. Avec le Grand Débat, ils auront une occasion exceptionnelle de produire leurs cartes : elles nous permettront de calculer le nombre de tués qu’ils programment sur les voies qu’ils remettraient à 90 km/h.
Notre défiance à l’égard des élus est justifiée par leurs propos. Entendre F. Bayrou(3) parler de routes dangereuses et de cartes à dresser (alors qu’elles l’ont été) pour les identifier est consternant, comme ses explications météorologiques : « un automne sec, et il y a plus d’accidents quand il pleut que quand il ne pleut pas ». Il ignore que le beau temps accroît le trafic, la vitesse, l’usage de la moto, et ces caractéristiques font augmenter la mortalité plus que les réductions d’adhérence liées à la pluie…
Un autre proche du Président, R. Ferrand, a lui aussi des idées personnelles sur la question et en a fait profiter les auditeurs de RTL(4). Ainsi, de Landevennec à Crozon, sur la D 791, les automobilistes pourront à nouveau être tués, grâce au rétablissement du 90. Il s’agit de l’une des 24 voies de son département qui fait partie des 31 % de km sur lesquels ont été observés 60 % des tués sur une période de 10 ans. Pas plus que pour la vaccination obligatoire ou les grands dossiers de santé publique, nous n’admettons l’ingérence des élus locaux dans un domaine régalien. A-t-on demandé aux représentants des départements leur avis pour appliquer l’interdiction de tel ou tel pesticide ? Non et c’est heureux !
Les virevoltes de notre Président nous flanquent le tournis. Quand est-il sincère ? En privé, quand il s’épanche avec un excès de familiarité ? Devant le monde entier, dans un ce ces discours qui se veulent historiques ? Dans un village, devant 600 maires qu’il veut séduire ? Au Luxembourg il déclare en septembre que : « la vitesse à 80 km/h en France, c’est sans doute l’une des principales mesures écologiques. Personne ne la regarde comme ça, mais c’est la réalité ! Tout le monde dit c’est terrible, c’est ennuyeux. Oui, mais la réalité, c’est qu’on émet beaucoup moins quand on est à 80 ». Un peu excessif, le 110 sur autoroutes correspondrait mieux à cet enthousiasme fugitif. Quand Donald Trump abandonne les accords de Paris, nous avons droit à un discours moralisateur pour tacler un président des États-Unis qui ne respecte pas ses engagements :
« La France n’abandonnera pas le combat… Nous partageons tous la même responsabilité. Make our planet great again ! ». En 2015, lors de la COP21, la France s’était engagée à réduire de 29 % la production de gaz à effet de serre par les carburants routiers à l’échéance 2028.
Aujourd’hui, le bilan est sans appel : la consommation de carburant est supérieure en 2018 à celle de 2016. Le « destroy our planet » est en marche.
Loin de la scène internationale, le masque tombe : « il faut ensemble que l’on trouve une manière plus intelligente de le mettre en œuvre. Il n’y a pas de dogme… Est-ce qu’on peut faire quelque chose qui soit mieux accepté et plus intelligent, sans doute oui. ». Nous préférons attendre la fin de l’expérimentation plutôt que de confier nos vies à des créatifs comme un Didier Guillaume(5) qui transforme le vin en eau ou des fantaisistes qui soutiennent qu’ils consomment d’autant moins qu’ils roulent plus vite…
Dans ce chaos organisé par les lobbies et les politiciens en embuscade qui rêvent d’un changement de gouvernement pour revenir à la table du Conseil des ministres, Édouard Philippe reste imperturbable et montre son sens de l’État. Une voix, une seule reste constante à ses côtés, celle de Christophe Castaner qui ne craint pas de s’opposer à la minorité violente qui profite d’un mouvement social pour occulter ou détruire les radars au mépris des conséquences : « Pas de complaisance pour ceux qui croient acceptable de détruire des radars. J’en vois certains qui posent fièrement à côté des objets saccagés. Seront-ils aussi fiers quand on frappera à leur porte pour leur annoncer qu’un accident a eu lieu et que dans leur famille, parmi leurs proches, la vitesse a tué ? J’ai été maire pendant 16 ans, j’ai eu à annoncer à des familles, à des parents les décès liés à ces excès-là, je sais cette violence-là et elle me permet d’assumer toute forme d’impopularité pour les populistes qui, facilement, veulent nous faire croire qu’au nom des libertés, il faudrait accepter le laisser-faire et le n’importe quoi, y compris sur nos routes. »(6) Nous pouvons remercier les Forces de l’ordre qui ont dû pallier la destruction des radars. Malgré leur charge de travail, elles ont patrouillé sur les routes, car gendarmes et policiers savent que si leur présence n’a pas pu empêcher la mort de 60 personnes qui ont péri à cause des casseurs, elle a sûrement contribué à diminuer le nombre des morts et des handicaps.
Deux autres sources d’inquiétude en cette période : pour l’évaluation du Grand Débat organisé par le Gouvernement, une fraction des citoyens ne maîtrise pas l’informatique d’une part, et des groupes bien structurés et mal intentionnés se sont coordonnés pour troller le système d’autre part. Le bourrage électronique a commencé et des équipes se relaient 24 h sur 24, en France et à l’étranger, pour cliquer(7) des messages pré-écrits en faveur du retour au 90 !
Je dédie ce numéro de Pondération à Thibaud Bègue, âgé de 27 ans, et père d’un petit garçon de 3 ans, mort écrasé entre deux camions. Qui s’en soucie dans les médias qui nous parlent chaque jour des blessés dans les manifestations des gilets jaunes ? Qui connaît son nom, son visage ? Et pourtant, voici le témoignage de sa mère : « Thibaut travaillait comme traiteur et conduisait ce soir-là le véhicule de service de son employeur. Il revenait d’une mission à Aubagne quand il a été pris dans ce barrage de gilets jaunes qui a généré des kilomètres de bouchon dans la nuit du samedi 1er au dimanche 2 décembre. Les véhicules, en majorité des poids-lourds, étaient bloqués et installés pour la nuit. D’après ce que les gendarmes m’ont rapporté, Thibaut aurait été piégé entre le camion arrêté devant lui sans feux allumés et le conducteur derrière lui qui roulait trop vite pour l’éviter ».
Pourtant, sans aucune pudeur, parmi les pancartes qui sont brandies, figure cet accident mortel, comme si Thibaut avait été l’une des victimes des violences policières. Nadine Bègue ne l’a pas supporté et l’a dit à ceux qui tentaient de récupérer honteusement la mort de son fils :
https://revolutionpermanente.fr/Acte-X-C-est-en-memoire-de-tous-les-Gilets-jaunes-decedes-lecortege-contre-les-violences
(1) Déclaration du Premier ministre le 28 janvier 2019 à Coubert en Seine-et-Marne.
(2) Accidentalités sur les routes bidirectionnelles hors agglomération : enjeux relatifs au réseau principal (2018), p. 10.
(3) France Inter, le 7/9 du 30 janvier.
(4) Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro, 28 janvier 2019.
(5) Ce ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation se répand dans tous les médias pour affirmer que « le vin n’est pas un alcool comme les autres »…
(6) Vœux aux forces de sécurité, à Paris le 7 janvier 2019.
(7) France Inter, L’Instant M de Sonia Devillers : Ces travailleurs du clic qui font les opinions sur Internet.
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