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Après sa réélection en 2002, Jacques Chirac a fait de la lutte contre la violence routière une priorité. À partir de 2002, sa politique volontariste a sauvé des milliers de vies.
Par Anne-Laure Barret 29/09/2019 Lire l’article du JDD
« Je suis absolument horrifié par le fait que les routes françaises sont les plus dangereuses d’Europe. » Le 14 juillet 2002, lors d’une interview à l’Élysée, Jacques Chirac crée la surprise en annonçant que la lutte contre la « violence routière », la « barbarie », sera une priorité de son quinquennat, avec la bataille contre le cancer et l’aide aux personnes handicapées. Comment l’élu rural qui, en 1981, dénonce « la fureur avec laquelle on traque l’automobiliste au lieu de traquer les gangsters » s’est-il transformé en « sauveur de vies », en « révolutionnaire » de la santé publique, selon les mots de Chantal Perrichon, la présidente de la Ligue contre la violence routière?
L’idée d’un virage à 180 degrés est née en 2000-2001. À l’époque, Stéphane Dupré la Tour, un ingénieur des Mines de 32 ans, fait son entrée à l’Élysée comme conseiller chargé de l’écologie et des transports. Selon les connaisseurs du dossier, le big bang n’aurait pas eu lieu sans cet homme de l’ombre, qui a porté le chantier à bout de bras pendant sept ans. « À mon arrivée, pendant la cohabitation, j’ai fait le constat que l’action du gouvernement était inefficace : le nombre de tués augmentait, les chiffres officiels de 2001 avaient été cachés, raconte-t-il. J’ai cherché des idées pour faire la différence et identifié une demande sociale forte mais non exprimée. »
Comme le sujet est « politiquement sensible », surtout « dans un cabinet de droite », le jeune technicien entame un travail d’influence à coups de notes bien argumentées. Le 21 septembre 2001, il organise une table ronde pour présenter à Jacques Chirac les acteurs de la sécurité routière, associatifs notamment.
La « longue gestation » décrite par l’ex-conseiller transports prend fin quelques jours avant le 14 juillet 2002. À la recherche de sujets neufs, Frédéric Salat-Baroux, alors secrétaire général de l’Élysée, convainc Jacques Chirac de faire de ce thème l’un des axes du quinquennat. « On attendait les réactions du président au séisme politique de l’élection et voilà qu’il parlait de l’organisation de la société, commente Stéphane Dupré la Tour. Il a touché à une blessure secrète au cœur de chaque famille. »
La suite tient du cercle vertueux : c’est un modèle de politique publique menée tambour battant. À la barre, Jacques Chirac ne cesse de distiller un discours antivitesse iconoclaste, dans lequel le respect de la règle devient un leitmotiv. Sans renâcler, les ministres chargés du dossier embraient. « Nous avons découvert à ce moment-là que, lorsqu’il y a une volonté au plus haut niveau de l’État, les dossiers avancent« , applaudit Chantal Perrichon. « Ça a été un petit miracle de travail en équipe, dit en écho le magistrat Rémy Heitz, nommé délégué interministériel à la sécurité routière en 2003. La coordination a été exceptionnelle. »
Plusieurs fois par an, des mesures chocs sont annoncées : circulaire Sarkozy mettant fin à l’amnistie présidentielle pour les infractions routières en 2002, mise en place des radars automatiques à partir de 2003, renforcement des sanctions en cas d’absence de port de la ceinture de sécurité à l’arrière, etc. « Jusqu’alors, il y avait eu beaucoup d’annonces non suivies d’effet, rappelle Rémy Heitz. Là, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin avait fixé la ligne : dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit. » De fait, les administrations ont suivi.
Le « chantier », comme l’appellent ceux qui l’ont mis en œuvre, donne vite des résultats. En 2001, avant la réélection de Chirac, 7.720 personnes avaient trouvé la mort sur les routes. À la fin de son second mandat, en 2007, elles n’étaient plus que 4.620, soit une baisse de 40%. Au total, Stéphane Dupré la Tour estime à 9.000 le nombre de vies sauvées et à 110.000 celui des blessés évités.
Médias, Français, constructeurs automobiles, toute la société change de regard sur la vitesse. C’est la fin du fatalisme. « Ma grande fierté, c’était l’adhésion de 80% de la population, ajoute Dupré la Tour. Un paradoxe pour des mesures aussi coercitives dans un pays aussi épris de liberté. » Les anciens croisés des radars refusent de pointer du doigt les difficultés actuelles de l’exécutif à imposer les 80 km/h. « Chaque politique publique a ses temps forts, c’est comme ça que la société avance, analyse Rémy Heitz, aujourd’hui procureur de Paris. En matière de sécurité routière, il n’y a pas eu de retour en arrière significatif. Ce qui a été acquis à ce moment-là l’a été à tout jamais. »
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