État des lieux
Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 :
Avec la mobilisation de tous, c’est possible !
TRIBUNE de Claude Got
Professeur de médecine
Le Monde
Emmanuel Macron refuse de reprendre la proposition de la convention citoyenne visant à limiter à 110 km/h la vitesse sur les autoroutes. Claude Got, médecin et spécialiste de la sécurité routière, estime, dans une tribune au « Monde », ce débat miné par l’ignorance et le mensonge.
Le 20 avril 1973, Le Monde publiait un texte dans lequel je proposais une « limitation généralisée de la vitesse : autoroutes, 110 km/h, voies à chaussées séparées, 95 km/h, autres voies, 80 km/h » (« Peut-on réduire le nombre des victimes de la route ? »).
Le 5 mai 1974, lors de l’élection présidentielle, j’étais l’un du 1,1 % d’électeurs de René Dumont. Depuis, l’action écologique est reconnue comme une urgence vitale, dont on parle, sans être capable de la traiter sérieusement.
Le conflit sur la vitesse exploite l’ignorance et le mensonge. La réforme lancée par Jacques Chirac en 2002, suivie de l’installation de radars automatiques, a réduit la vitesse moyenne des voitures de 10 km/h. La mortalité sur les autoroutes a été divisée par deux entre 2002 et 2007, comme sur les autres routes. Pendant cette période, les accidents mortels liés à l’alcool, à la fatigue, à l’usage des téléphones et aux autres facteurs de risque sont demeurés stables en proportion, mais leur nombre a été divisé par deux.
Les opposants aux réductions des vitesses mettent en avant des facteurs de risque que nous ne maîtrisons pas, au lieu de reconnaître l’efficacité de la réduction de la vitesse qui agit sur tous les facteurs de risque.
Quand le premier ministre a choisi de limiter à 80 km/h la vitesse hors agglomération, les principales oppositions manipulatrices ont été :
• La perte de temps. Les tests ont prouvé qu’elle était inférieure à 2 secondes par kilomètre dans les zones rurales. Ce sont les bouchons des banlieues des grandes agglomérations qui accroissent les temps de parcours.
• L’association de la mesure à la création d’une taxe carbone pénalisant les usagers qui ont peu de moyens et des parcours domicile-travail longs qu’ils ne peuvent pas modifier. Cette réaction légitime des « gilets jaunes » n’avait pas de lien avec la réduction de la vitesse à 80 km/h.
L’attitude de politiques opposant le pouvoir central aux acteurs locaux n’était pas fondée. Limiter un risque majeur existant au niveau national fait partie des fonctions régaliennes de l’Etat. Les gestionnaires locaux doivent avoir le pouvoir de réduire la dangerosité à leur niveau (agglomérations limitées à 30 km/h, réduction du 80 km/h dans un passage dangereux), mais ils ne doivent pas l’accroître.
Une fois identifiées la réduction des accidents et l’exploitation des dénis de réalité, il faut définir pourquoi le 110 s’impose.
• Etre dépendant de facteurs de risque que l’on accepte est un comportement banal. La consommation d’alcool ou de quantités excessives d’aliments sont des choix personnels. La vitesse tue les conducteurs qui produisent l’accident, mais aussi ceux qui croisent leur route, il est donc légitime que le pouvoir central fixe des limites de nuisance sur les routes. L’accident de la circulation demeure la première cause de mort des jeunes adultes.
• La COP21 a réuni en 2015 des représentants du monde entier qui se sont engagés. La France devait réduire ses émissions de gaz à effet de serre sur les routes de 29 % à l’échéance 2028.
Quatre ans plus tard, la consommation de carburants routiers est passée de 50,534 à 50,319 millions de mètres cubes. A ce rythme, l’objectif sera atteint dans 264 ans ! La réduction de la production de gaz à effet de serre sur les autoroutes serait de 20 % avec des limitations à 110 km/h.
• La limitation à 110 km/h de la vitesse sur autoroute va avoir un intérêt politique exceptionnel. Il ne s’agit pas d’une décision opérationnelle dans dix ou quarante ans, mais d’un test qui va exprimer, dans les jours qui viennent, la différence entre les paroles et les passages à l’acte dans un domaine d’une importance reconnue.
Le premier sondage concernant l’abaissement à 110 km/h exprime une opposition à cette mesure, alors que la convention citoyenne pour le climat qui l’a proposée majoritairement est représentative de la population.
Cette différence exprime celle entre un travail qui a fait évoluer les références des membres de la convention citoyenne et une population qui n’a pas de formation spécifique dans ce domaine. Elle met en évidence le danger de l’usage d’un référendum dans ces circonstances.
La décision devrait être prise par l’Etat, en accord avec le choix du groupe informé. Je pense que c’est la démagogie et l’hypocrisie qui seront retenues pour abandonner cette proposition.
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