État des lieux
Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 :
Avec la mobilisation de tous, c’est possible !
Claude GOT, professeur agrégé de médecine
Il faut aujourd’hui réduire la vitesse maximale sur les autoroutes à 110 km/h pour réduire les dépenses liées au trafic, comme les émissions de gaz à effets de serre.
Tribune. Les sorties de crise sont difficiles quand les exigences s’étendent, alors que les décideurs ne maîtrisent qu’une faible partie des facteurs concernés. La situation peut en outre s’aggraver quand la précipitation et une connaissance insuffisante des problèmes réduisent la capacité d’argumenter et d’expliquer.
L’abaissement à 80 km/h de la vitesse maximale sur les routes où l’on se tue le plus a exprimé la rupture avec l’indifférence et l’incompétence décisionnelle du gouvernement précédent qui avait laissé perdre 238 vies de janvier 2014 à novembre 2017. 245 ont été sauvées de novembre 2017 à novembre 2018, renouant avec le succès du programme lancé par Jacques Chirac et coordonné par Rémy Heitz, qui avait divisé par deux la mortalité sur les routes de 2003 à 2008 et stabilisé la consommation de carburant alors que le trafic continuait de s’accroître. La décision du Premier ministre a été attaquée à la fois par le lobby de la vitesse et par des politiques qui ont instrumentalisé la mesure, décrite comme une décision des parisiens, méprisant les intérêts des habitants des «territoires» qui allaient perdre du temps sur les routes. Le contresens était évident, ce sont sur les voies à l’approche des grandes agglomérations que les usagers perdent quotidiennement du temps et non dans les départements à faible densité de population où les voies sont libres et tuent le plus. L’accroissement réel des durées de parcours a été très faible.
Le Sénat s’est déshonoré en créant une commission qui a exprimé une aptitude exceptionnelle à la contorsion en s’opposant aux 80 km/h, tout en reconnaissant l’efficacité de la réduction de la vitesse en 2003. Le sommet du ridicule a été atteint en proposant de maintenir à 90 les voies les plus circulées et d’abaisser à 80 ou 70 «les routes accidentogènes». Le contresens était complet puisque c’est le trafic qui est le facteur accidentogène le plus important, et non les caractéristiques techniques des voies énumérées dans ce texte.
Une singulière augmentation du trafic
Le 80 km/h a été une bonne décision. L’accroissement des taxes sur les carburants, en revanche, a été une erreur initiant le conflit des gilets jaunes. L’usage de la voiture est en grande partie contraint. Ce n’est pas le prix du litre de carburant qui augmente en valeur, c’est le trafic. Un litre d’essence valait 0,99 franc en 1960, équivalent en pouvoir d’achat à 1,59 euro de 2017. Le trafic de 1960 était de 87 milliards de kilomètres, il s’est élevé à 606 milliards en 2017 soit une multiplication par 7. Utiliser le prix du carburant pour réduire la consommation est une mesure qui assassine les usagers à faibles revenus sans améliorer le climat.
Les droits d’accises sont la forme moderne de la gabelle. Leur finalité première est de contribuer à alimenter le budget de l’Etat. Ils peuvent aussi dissuader une consommation qui induit un risque, il faut alors assurer l’équité, ce n’est pas toujours le cas. Tous les tabacs sont fortement taxés, mais pas tous les alcools. Le vin est très peu taxé alors que le risque lié aux boissons alcooliques ne dépend que de la quantité d’alcool avalé et non de la quantité d’eau qui lui est associée. Quand des ménages ont de faibles revenus et un usage contraint de leur voiture, ils ne peuvent pas acheter un véhicule hybride ou électrique. Les aides de l’Etat aident paradoxalement les usagers dont les revenus permettent ce type d’achat. En outre, si la pollution des villes est réduite, l’effet de serre ne l’est pas si l’on tient compte de l’ensemble des méthodes de production de ces véhicules.
La seule méthode efficace à court terme pour réduire la dépense liée au trafic est la réduction de la vitesse. Elle a de multiples avantages :
Si la vitesse maximale sur autoroutes était abaissée à 110 km/h, la réduction des dépenses de carburants des usagers se situerait entre 1,5 et 2 milliards d’euros, au prix d’un accroissement du temps de parcours. Rappelons que la consommation minimale de la majorité des voitures est obtenue entre 50 et 60 km/h et que de nombreuses autoroutes de liaison sont déjà limitées à 110.
Cette mesure amorcerait le respect de l’engagement pris par la France en 2015 de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 29% d’ici 2028. Elle exprimerait un choix entre la protection de l’environnement et l’appétit de vitesse, associé à l’absence égoïste de prendre en compte la qualité de vie des générations à venir.
Mauvaise application des règles
Le second obstacle à la réduction de la mortalité sur les routes est produit par la mauvaise application des règles. Les avertisseurs de radars et de contrôles sont des instruments qui tuent. Une loi punie le signalement d’un contrôle dans les transports en commun. Bel exemple de la différence de prise en compte de l’argent et de la vie des usagers.
Après les progrès des douze derniers mois, le bilan de la mortalité en décembre permettra d’évaluer les effets des modifications de comportement, ils peuvent être supérieurs à la mortalité sur les ronds-points. Une vitesse accrue pour compenser un blocage du trafic, une crainte de contrôle réduite, dégrade les résultats.
«Notre maison brûle et nous regardons ailleurs» (Jacques Chirac – 2002) ou : «On est en train de perdre la bataille», «On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas» (Emmanuel Macron – décembre 2017). Le 20 avril 1973, je proposais de réduire les vitesses maximales à 80 km/h sur les routes et 110 sur les autoroutes. Le Premier ministre a eu le courage d’imposer le 80, il faut maintenant préparer les usagers au 110 sur autoroute. On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas !
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