Chantal Perrichon, en mai 2015. / Christophe Petit Tesson/MaxPPP
Chantal Perrichon est une combattante. Cela fait plus de 15 ans qu’à la présidence de la Ligue contre la violence routière, elle se bat pour faire baisser le nombre de personnes blessées ou décédées sur la route. Un combat qui, en France, est jugé insupportable par certains. Au point de susciter un déferlement de haine assez sidérant. La responsable associative subit depuis environ trois semaines un « harcèlement » téléphonique « profondément déstabilisant ».
La Croix : Depuis combien de temps êtes vous prise à parti en raison de votre combat contre l’insécurité routière ?
Chantal Perrichon : Je suis entrée dans les années 1990 à la Ligue contre la violence routière dont je suis devenu la présidente en 2002. Quand vous vous engagez dans ce genre de combat, vous savez que cela ne sera pas de tout repos. Pas mal de gens vous écrivent pour vous dire que vous n’y connaissez rien, que les rapports scientifiques sont sans fondement. Ces courriers, je les ai reçus dès ma prise de fonction à la Ligue. Parfois, ils étaient accompagnés de mots peu aimables voire de grossièretés. Mais cela n’avait rien à voir avec ce qui se passe depuis quelques années avec le développement de ces réseaux que je qualifie d’asociaux. Il s’agit d’endroits où, sous couvert d’anonymat, prospèrent des lâches et des corbeaux qui n’ont qu’un but : vous atteindre psychologiquement en vous pourrissant la vie.
Les menaces contre des élus franchissent un nouveau pas
Concrètement, que subissez-vous ?
C. P. : Depuis plusieurs années, je suis d’abord victime de calomnies diverses. Certains affirment que je n’ai jamais conduit de ma vie, que j’ai un chauffeur, que je me déplace en Rolls. On dit aussi que je gagne de l’argent sur le dos de mon association alors que j’y ai une activité bénévole. Sur les réseaux, on me représente en ayatollah ou en djihadiste. Un jour, j’ai même reçu une balle par courrier. J’ai porté plainte mais le destinataire n’a pas pu être identifié. Et les choses n’ont cessé d’empirer depuis la mise en place, au 1er juillet 2018, du 80 km/h sur les routes où la mortalité est la plus forte. On me traite de meurtrière, en disant qu’à 80 km/h, les gens vont tellement lentement qu’ils s’endorment au volant. C’est le propre de ces réseaux asociaux : n’importe qui peut proférer des contre-vérités parfois délirantes et tout cela est classé au même niveau que le discours construit et argumenté d’un scientifique. Même en portant plainte, c’est très difficile de faire cesser ce déferlement de haine.
Depuis quelques semaines, vous êtes également victimes de harcèlement téléphonique…
C. P. : Oui. Il y a trois semaines mon numéro de portable a été diffusé sur Facebook avec la consigne de me harceler et me pourrir la vie. Et depuis, je reçois à toutes les heures du jour ou de la nuit des appels malveillants, des insultes, des menaces. Parfois, l’interlocuteur reste silencieux ou émet un grognement. Le plus souvent, il s’agit de numéros masqués mais certains appellent avec leurs numéros bien visibles. Comme s’ils avaient un sentiment de totale impunité. Psychologiquement, c’est très dur à vivre quand votre numéro personnel sert ainsi d’exutoire. Si je reçois un appel avec un numéro non identifié, je ne décroche plus, ce qui est quand même très ennuyeux dans ma vie associative et personnelle. Honnêtement, c’est un peu difficile de comprendre comment un combat pour une plus grande sécurité routière puisse déclencher toute cette violence. Mais, même si elle est insupportable, elle ne me fera pas renoncer à mes convictions.