Analyse critique du rapport de la Direction Départementale de l’Infrastructure de la Haute-Marne sur l’accidentalité de ses routes

Le Président du Conseil Départemental (PDC) de la Haute-Marne, Monsieur Nicolas Lacroix, a déposé auprès du Comité Départemental de Sécurité Routière (CDSR) un rapport de l’accidentalité des 15 routes sur lesquelles il a proposé que la vitesse maximum autorisée (VMA) repasse de 80km/h à 90 km/h.

Ce rapport a été effectué par la Direction des Infrastructures (DIT) de la Haute-Marne. Les directives gouvernementales précisent que le Comité Départemantale de Sécurité Routière doit disposer « d’un état des lieux de l’accidentalité sur l’ensemble du réseau routier relevant de sa compétence. Il montre la répartition des accidents graves selon les types de routes».

De son côté, la Ligue contre la violence routière a décidé de confronter les résultats de son étude à ceux de la DIT. L’étude de la Ligue et le rapport de la DIT portent sur la période de 5 ans et demi, du 01/01/2013 au 30/06/2018, avec pour la Ligue des résultats allant jusqu’au 31/12/2018. Elles concernent le nombre des accidents, des tués, des blessés hospitalisés et des blessés légers sur chacune des 15 routes, ainsi que la localisation des accidents.
Tous les résultats de l’étude de la Ligue sont déduits de la consultation des BAAC disponibles sur le site Internet de l’ONISR. Ils se retrouvent sous forme de tableaux et de cartes dans la seconde partie de ce document, avec une présentation identique à ceux de la DIT pour permettre la comparaison.

Comparaison Ligue versus DIT

La Ligue sépare les 15 routes en deux catégories bien distinctes :

8 d’entre elles sont le siège d’un nombre d’accidents compris entre 5 et 15 avec, en particulier, 16 tués au total,

tandis que les accidents sont en nombre de 0 à 3 sur les 7 autres, avec 2 tués au total.

1°/ Pour 7 des 8 routes de la première catégorie, l’étude de la Ligue à partir des BAAC est en complet désaccord avec le rapport de la DIT, tant sur le nombre des accidents que sur celui des accidentés.

À titre d’exemples, en ce qui concerne le nombre des accidents :

Voie

D65

D384

D428

D619

D674

BAAC

8

11

5

13

16

DIT

2

3

1

5

9

 

Et en ce qui concerne le nombre des tués, les différences sont encore plus consternantes :

Voie

D384

D619

D974

BAAC

6

7

2

DIT

1

2

1

Il existe des explications à ces différences surprenantes communes à cette catégorie de routes.

– En effet, la DIT a osé écrire au début de son  rapport qu’elle excluait un certain nombre d’accidents, et tout particulièrement : « les accidents dont le responsable est sous l’emprise de l’alcool et de la drogue »,  ainsi que « les accidents provoqués par animal ». La DIT n’a pas compris que l’effet de la vitesse s’exerce en amont des autres facteurs d’accidents et que tous les facteurs de risque sont influencés, en fréquence et en gravité,  par la vitesse.  Ainsi, l’alcool se combine avec la vitesse pour favoriser à la fois les pertes de contrôle et la gravité des chocs contre un autre véhicule ou un obstacle.

– Mais ces exclusions n’expliquent pas à elles seules les différences. En effet, on trouve dans le travail de la DIT des dates d’accidents erronées, des tableaux récapitulatifs qui ne correspondent pas aux détails qui les précèdent, etc. Quoiqu’il en soit, éliminer des accidents routiers qui ne vous conviennent pas avant d’étudier l’accidentalité des départementales est suffisamment original pour être signalé.

On peut donc conclure à un manque de rigueur dans le traitement d’un problème majeur de santé publique qui concerne la vie des usagers des routes de la Haute-Marne. Pourtant ce département doit progresser en sécurité routière puisqu’il est le 89ème sur 96 dans le classement des départements selon le nombre de tués par million d’habitants (Bilan de l’accidentalité en France, 2018 p.30, ONISR).

Un autre point important : la localisation à peu près régulière des accidents tout le long de la majorité des 15 routes telles que les D417, D619, D674, D974. Nous extrayons ici les cartes de l’accidentalité de deux des voies où ce phénomène se visualise bien :

Signet vert : blessé léger       Signet bleu : blessé hospitalisé        Signet rouge : tué

On constate que les accidents sont aléatoirement localisés tout le long des D417 ou D674, et qu’aucun tronçon particulier n’est privilégié. Si une période plus longue que les 6 années étudiées était prise en compte, on arriverait vraisemblablement à une répartition uniforme des lieux des accidents. Dans ces conditions, rien ne justifie de distinguer un tronçon plutôt qu’un autre pour modifier la vitesse maximum autorisée (VMA).

En rapport avec ce dernier point, dans son « étude » de l’accidentalité de la D417 d’une longueur de 60 km, la DIT préconise de changer 20 fois la vitesse maximum autorisée (VMA) ! Soit une fois tous les 3 km en moyenne. Ceci est en complète opposition avec les directives gouvernementales qui précisent que la longueur des tronçons ne doit pas être inférieure à 10 km. Même constat pour la D674 d’une longueur de 40 km, où la DIT change la VMA tous les 4 km … Ce type de tronçonnage se retrouve d’ailleurs sur presque sur toutes les 15 routes. Des Présidents de conseil départementaux de nombreux départements pestaient en juillet 2018 contre la multiplication des panneaux de VMA qu’entraînait – soi-disant – le passage de 90 à 80 km/h !

Pour en terminer avec ces 8 routes, il faut rappeler que le JDD a publié en juin 2018 une étude de la Ligue contre la violence routière traitant de la mortalité des routes françaises sans séparateur médian sur la période de dix ans, 2006-2015. Pour la Haute-Marne, 6 de ces 8 routes font partie des sept départementales qui, avec les deux nationales N67 et N19, contribuent à 59% des tués. Il est clair que cette information n’est pas parvenue jusqu’à Nicolas Lacroix.

2°/ Venons en maintenant à la seconde catégorie, celle des 7 routes où le nombre d’accidents est compris entre 0 (ce n’est valable que dans le cas de la D635) et 3 (comme dans l’unique cas de la D400). Ici encore, les BAAC donnent des résultats différents de ceux de la DIT, mais les différences numériques sont évidemment très faibles.

Il faut tout de même souligner que la DIT a créé des tronçons à 90 km/h sur les D1, D60 et D67A qui obligeront les automobilistes à observer des changements de VMA tous les 2, 3 ou 4 km ! Un dernier mot sur la départementale D400 qui mesure 7,8 km : d’après des mesures effectuées sur 298 itinéraires par le CEREMA (Évaluation-Premiers éléments : janvier 2019) des temps de trajet qui tiennent compte de la circulation et de l’existence d’agglomérations il faut en moyenne une seconde de plus pour parcourir 1 km quand la VMA passe de à 90 à 80 km/h. Faut-il alors changer 3 ou 4 fois de VMA pour gagner une dizaine de secondes sur un trajet qui dure environ 5 minutes ? Ceci s’applique aussi bien à la D650 de 8,5 km, sur laquelle aucun accident n’est à déplorer au cours des 6 années.

Même avec un très petit nombre d’accidents et d’accidentés, il est difficile de justifier – et la DIT ne cherche pas à le faire – le retour des VMA à 90km/h, quand les accidentologues du monde entier affirment que toute augmentation de la vitesse ne peut s‘accompagner que d’un accroissement du nombre d’accidents et de leurs terribles conséquences.

Détail de l’analyse

Analyse de l’accidentalité des départementales D1, D10, D60, D67, D67A, D400, D635 du 01/01/2013 au 31/12/2018

Analyse de l’accidentalité des D65 et D65A du 01/01/2013 au 31/12/2018

Analyse de l’accidentalité des D74 du 01/01/2013 au 31/12/2018

Analyse de l’accidentalité de la D384 du 01/01/2013 au 31/12/2018

Analyse de l’accidentalité de la D417 du 01/01/2013 au 31/12/2018

Analyse de l’accidentalité des D428 du 01/01/2013 au 31/12/2018

Analyse de l’accidentalité de la D619 du 01/01/2013 au 31/12/2018

Analyse de l’accidentalité de la D674 du 01/01/2013 au 31/12/2018

Analyse de l’accidentalité de la D974 du 01/01/2013 au 31/12/2018

Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 : avec la mobilisation de tous, c’est possible !

État des lieux

 

Le bilan
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