Analyse bilan de sécurité routière juin 2024

Aucun progrès, et toujours pas d’actions politiques volontaristes

L’objectif de réduire de moitié le nombre de tués et de blessés à l’horizon 2030 s’éloigne.

3282 tués ces 12 derniers mois, 291 tués le mois dernier. Que fait la France de son engagement ?

La France s’enfonce dans une progression de l’insécurité routière et Madame la Déléguée à la sécurité routière regarde ailleurs. Dans son communiqué de presse insipide qui accompagne ces chiffres, elle conclut « la Sécurité routière vous propose en ce début de l’été, 10 recettes étonnantes de cocktails sans alcool, développés avec le Sobrelier Benoît d’Onofrio pour passer de bons moments et reprendre la route en toute sécurité ! »

« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » avait dit Jacques Chirac, président de la République française, en ouverture de son discours devant l’assemblée plénière du IVe Sommet de la Terre le 2 septembre 2002 à Johannesburg, en Afrique du Sud. Chaque jour depuis trop longtemps des dizaines de familles pleurent leurs proches tués ou blessés gravement et sont détruites à jamais. Combien de temps allons-nous fermer les yeux sur cette situation inacceptable sur les routes de France ?

La France, mauvaise élève de l’Europe

De récents rapports européens sur les chiffres liés à la sécurité routière montrent que la France enregistre un nombre alarmant de décès sur les routes : c’est le pays où le nombre de ces décès est le plus élevé. De même, en termes d’améliorations la France fait moins bien que la plupart des pays de l’UE. La moyenne de l’UE a connu une baisse de 21 % du nombre de morts entre 2013 et 2022 (26.025 tués en 2013et 20.640 en 2022), tandis que la baisse de la France a été de 0% (3268 tués en 2013et 3267 en 2022). Le dernier de ces rapports appelle à des mesures renforcées pour protéger les usagers de la route.

Cette insécurité routière est d’autant plus alarmante que nous entrons dans une période de grandes vacances, où les accidents augmentent significativement, à laquelle s’ajoute un autre grand déplacement de population dû aux Jeux Olympiques. Dans le contexte politique hautement perturbé du moment, l’appel du dernier de ces rapports[1] à une mobilisation accrue des pouvoirs publics pour résoudre cette insécurité sera encore plus ignoré que d’habitude.

Nous rappelons que l’insécurité routière : c’est aussi un coût collectif dépassant les 100 milliards d’euros[2] qui échappe de manière incompréhensible aux réflexions rationnelles sur les gains possibles pour les finances de l’État et des Français.

Alors que les sujets de la dépense publique et du pouvoir d’achat des Français sont au cœur du débat politique actuel, la Ligue contre la violence routière s’étonne que les gains importants qui pourraient être générés par des politiques volontaristes en matière de sécurité routière soient complétement absentes des réflexions. Des économies de plusieurs dizaines de milliards d’euros pourraient donc être atteignables dans un délai très court, avec un minimum de volonté politique et sans dépenses significatives.

À partir du 7 juillet 2024, l’Europe rend obligatoire de nouveaux équipements de sécurité sur les voitures neuves.

  • Aide au freinage d’urgence : ce système permet de freiner le véhicule de manière autonome dans les situations dangereuses ou d’assister le conducteur lors d’un freinage important.
  • Systèmes de détection d’obstacle en marche arrière : ces dispositifs détectent les obstacles lors des manœuvres en marche arrière, réduisant ainsi le risque de collision.
  • Avertisseur de fatigue et d’inattention : ce système alerte le conducteur s’il montre des signes de fatigue ou de manque de concentration.
  • Alerte du franchissement de ligne : ce dispositif avertit le conducteur lorsqu’il franchit involontairement les lignes de la route.
  • Pré-équipement pour dispositif d’éthylotest anti-démarrage : ce système permet l’installation d’un éthylotest empêchant le démarrage du véhicule si le taux d’alcoolémie du conducteur est trop élevé.
  • Enregistreurs de données routière (EDR) ou « Boîte noire » embarquée : cet enregistreur de données conserve des informations cruciales en cas d’accident, facilitant les enquêtes.
  • Avertisseur de dépassement de la vitesse autorisée qui peut être complété par un dispositif qui provoque automatiquement une décélération progressive du véhicule jusqu’à la vitesse autorisée. Bruxelles a donné carte blanche aux constructeurs, qui ont le choix entre le simple avertissement sonore ou forcer le véhicule à ralentir. Cependant, en raison de son coût plus élevé, cette option active demeure moins populaire. Pour exemple Peugeot rapporte que son système se traduit uniquement par un signal sonore et un signal visuel, et non par un système actif même débrayable.

Techniquement : rien de nouveau dans tous ces dispositifs

Les technologies utilisées pour tous ces systèmes existent depuis des décennies, tels les radars et caméras pour détecter les obstacles, les diodes à infrarouge pour détecter les lignes, les caméras à infrarouge pour détecter la fatigue, etc.

C’est seulement depuis quelques années que les constructeurs proposent, parmi les dispositifs de sécurité précités, uniquement les plus consensuels sur leurs voitures « haut de gamme ». En revanche, ils ignorent l’éthylotest anti-démarrage, la « boîte noire » et le LAVIA (Limiteur s’Adaptant la VItesse Autorisée) dont le fonctionnement est validé depuis plus de 20 ans, mais sont dans le collimateur des lobbies pro-vitesse et alcoolier.

Il a fallu attendre que l’EU contraigne les constructeurs à installer tous ces équipements de sécurité sur tous leurs véhicules, y compris les « bas de gamme », quoique ça entraine un surcoût de 500 € environ par véhicule. Par ailleurs, il est à noter que les constructeurs n’hésitent pas à vendre chaque véhicule 1500 € plus cher en raison du coût de leurs dépenses de publicité et de communication.

Alerte de survitesse : « incroyablement agaçant »

Une étude australienne de 2010 montre que l’AIV (Adaptation intelligente de la vitesse) pouvait réduire les excès de vitesse de 89 % et les accidents mortels de 19 %. Néanmoins, de nombreux automobilistes se plaignent d’être infantilisés et privés de leur liberté de conduire, mais expriment leur mécontentement, jusqu’à saccager des radars, quand ils reçoivent leur PV pour excès de vitesse.

Le mensuel « Pleine Vie [3]» le juge « particulièrement agaçant », et rapporte les propos de Gerard Tertoolen[4] « Il suffit d’un bref moment d’inattention pour dépasser légèrement la vitesse autorisée et lorsqu’on vous rappelle cette situation avec insistance, avec un signal sonore, cela peut être incroyablement agaçant » et le mensuel ajoute. « Un agacement qui sera à son comble en raison du changement des limitations de vitesse très régulier sur une courte distance sur la plupart des routes françaises et européennes »

Savons-nous que ce type d’avertisseur est présent dans les voitures circulant au Japon depuis plus de 40 ans ?

Quel média découvrira bientôt« l’expert » qui poussera jusqu’à qualifier d’ « accidentogène » cet avertisseur, aidant à respecter la loi et sauver des vies ?

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[1] L’UE doit mettre les bouchées doubles pour atteindre ses objectifs, Cour des Comptes européenne, 12 mars 2024

[2] Bilan de l’accidentalité 2022, ONISR, p 19, p190. Cette somme recouvre le coût sociétal impliquant l’ensemble des accidents mortels et des blessés graves de la route qui représente deux fois (le coût estimé) de la retraite à 60 ans

[3] Magazine féminin mensuel français destiné à un public « senior » 370.000 exemplaires

[4] Gerard Tertoolen, psychologue spécialiste des comportements sur la route

État des lieux

Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 :

Avec la mobilisation de tous, c’est possible !

Le bilan
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