État des lieux
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Pour le spécialiste de santé publique, en partie à l’origine de la loi Evin sur le tabac et l’alcool, le débat actuel rappelle les réticences liées aux mesures de sécurité routière. Ceinture de sécurité, limitations de vitesse, contrôles d’alcoolémie… Depuis les années 1970, il ferraille pour faire chuter la mortalité sur les routes. Professeur de médecine, ancien conseiller de Simone Veil au ministère de la Santé, Claude Got a également participé, en 1989, à l’écriture d’un rapport sur la prévention de l’alcoolisme et du tabagisme qui inspira la loi Evin.
En mars 2020, alors que s’abattait la première vague de Covid-19 en France, ce spécialiste de santé publique a pris la plume pour réclamer l’extension du port du masque et une politique massive de tests. A 85 ans, il prône aujourd’hui la vaccination obligatoire de l’ensemble de la population. Et dresse un parallèle entre le débat actuel et les oppositions aux mesures de sécurité routière.
Le JDD 11/07/2021 Aude Le Gentil
Etes-vous favorable à la vaccination obligatoire des soignants?
De toute la population! Le risque pris par les soignants est un peu supérieur, mais tous ceux dont le métier fait qu’ils vont rencontrer deux, trois, cinq personnes dans la journée prennent un risque majeur. Il n’y a pas de raison de protéger un individu mais pas un autre, parce que ce dernier n’a pas eu un niveau suffisant d’explications pour être convaincu. « Avec une protection maximale, on retrouvera une vie normale beaucoup plus rapidement qu’avec des demi-mesures »
Ce débat vous rappelle-t-il celui sur le port de la ceinture de sécurité à partir des années 1970?
Quand ce débat est né, les gens ont commencé à dire : la ceinture, c’est dangereux. Quelqu’un avait publié un livre intitulé La Ceinture qui tue. Il est évident que la ceinture de sécurité a des inconvénients. Mais elle a de tels avantages que tous les pays se sont mis à l’utiliser. C’est un bon exemple, parce qu’avec la ceinture de sécurité, le risque est plus important qu’avec le vaccin. Imaginer qu’on va discuter pendant des mois avant de décider cette obligation, c’est dépasser les limites du ridicule.
Dans les deux cas, y a-t-il une mauvaise perception de la balance bénéfices-risques?
Toute la santé publique doit être évaluée en fonction du rapport entre les avantages et les inconvénients. Il y a une incapacité à comprendre cela aujourd’hui. Dans le cas du Covid-19, on voit que peu de gens ont des complications liées au vaccin. Cette certitude était plus faible au moment de la vaccination contre la variole. Des gens sont morts mais, pour autant, ce vaccin n’a pas été supprimé : on était capable d’accepter ce risque. Dans le cas des jeunes adultes, ce rapport risques-avantages est moins évident. Ce risque s’exprime au niveau de l’ensemble de la population. Imaginons que le risque de développer des lésions graves est de 1% entre 20 et 45 ans : 1%, c’est énorme dans une population! Le vaccin est un avantage personnel et collectif. Se dire qu’à son âge, il y a peu de risque, est un jugement égoïste. Si on a une nouvelle augmentation importante de l’épidémie, on se dira qu’on n’a pas su assurer la sécurité en utilisant tout ce qu’on savait déjà. On est en train de reproduire l’erreur des masques.
Que pensez-vous de l’argument de l’atteinte aux libertés?
C’est ce qu’on nous disait pour la ceinture de sécurité ou pour le port du casque : c’est moi qui prends le risque, pas les autres. Mais c’est la société qui va payer, pas seulement la personne qui va mourir. Dans le cas du tabagisme dans les lieux publics, cela mettait en danger des gens qui n’étaient pas ceux qui avaient pris le risque. Avec le temps, ces décisions clivantes sont devenues consensuelles. Comment? En 1972, on dénombrait 18.000 morts sur les routes. Il y a eu une réaction des décideurs et la mortalité s’est effondrée. Une fois cette preuve obtenue, c’était beaucoup plus facile. Sur la ceinture de sécurité, il y a eu une contestation, puis une compréhension et un arrêt complet de l’opposition. Mais cela a pris des années. Avec le Covid-19, on n’a pas le temps ; le risque évolue à très grande vitesse. Les vaccins fonctionnent, mais avec une efficacité légèrement moindre contre les variants. On a donc intérêt à avoir une protection totale qui empêchera qu’un nouveau variant dangereux se développe.
Ne risque-t-on pas de braquer une partie de la population en imposant la vaccination à tous?
Au contraire, si le vaccin obligatoire est généralisé, si tout le monde doit le faire et que tout le monde en profite, c’est beaucoup plus acceptable. Le risque est d’exercer une contrainte excessive. Mais contre le Covid-19, on a une mesure efficace, qui présente un risque faible, voire quasiment nul. Il faut contraindre pour que les bénéficiaires de cet avantage soient majoritaires. Ceux qui ne le font pas sont de mauvais décideurs, qui craignent plus de contrarier que de rendre service à la collectivité.
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