État des lieux
Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 :
Avec la mobilisation de tous, c’est possible !
L’émission d’Elise Lucet « Envoyé spécial » du 28 février, concernant la limitation de la vitesse à 80 km/h sur les routes où l’on observe le plus grand nombre d’accidents mortels, exploite une somme d’erreurs et de manipulations des faits impressionnante. Claude Got analyse dans un article les mécanismes manipulateurs de la réalité. Dans cette émission, les journalistes font preuve d’une habileté de prestidigitateur et d’une sournoiserie exceptionnelles. Ce ne sont pas les journalistes qui ont conçu l’émission qui énoncent des faits inexacts, mais ce sont les personnes sélectionnées pour déconsidérer l’intérêt de la réduction à 80 km/h de la vitesse maximale. « 80 km/h la sortie de route » est devenu 80 km/h une émission qui tue la réalité des faits et qui aura contribué à développer la mort et le handicap, si le gouvernement ne maintenait pas la mesure sur l’ensemble du réseau concerné.
Elise Lucet
Envoyé spécial – jeudi 28 février 2019
80 kilomètres par heure, la sortie de route
Le documentaire qui tue
par Claude Got
Depuis le début de mes activités de recherche sur la sécurité routière à Garches en 1970, à la demande des constructeurs automobiles, j’ai accepté de commenter l’état des connaissances acquises dans ce domaine. Quand un livre « La ceinture qui tue » a été publié, il était important de reconnaître qu’elle pouvait blesser, mais que son usage divisait par deux la mortalité. J’ai compris que l’ignorance, le mensonge, la manipulation des faits seraient des facteurs de destruction des connaissances acquises et de la vie sur les routes.
L’émission d’Elise Lucet « envoyé spécial » du 28 février, concernant la limitation de la vitesse à 80 km/h sur les routes où l’on observe le plus grand nombre d’accidents mortels, exploite une somme d’erreurs et de manipulations des faits impressionnante. Il est indispensable de commenter cette émission dont la qualité est habituellement élevée.
Identifier et analyser les mécanismes manipulateurs de la réalité est une forme de recherche. Elle impose de nommer les auteurs de ces comportements profondément asociaux, quand ils traitent de problèmes de santé publique et donc de la vie des gens. Je l’ai fait dans des articles ou dans des livres comme le « précis de malfaçon et de malfaisance » ou « l’insécurité routière – des mensonges qui tuent ».
Il est difficile de personnaliser les responsabilités quand les journalistes ne s’expriment pas directement. Dans ce domaine, l’émission d’Elise Lucet a fait preuve d’un savoir faire d’une habileté et d’une sournoiserie exceptionnelles. Ce ne sont pas les journalistes qui ont conçu l’émission qui énoncent des faits inexacts, ce sont des personnes sélectionnées pour déconsidérer l’intérêt de la réduction à 80 km/h de la vitesse maximale. Ce procédé est d’une perversité évidente, il externalise la responsabilité des propos tenus, alors que ce sont les producteurs de l’émission qui ont sélectionné des propos associant mensonges et manipulation des faits. « 80 km/h la sortie de route » est devenu 80 km/h une émission qui tue la réalité des faits et qui aura contribué à développer la mort et le handicap, si le gouvernement ne maintenait pas la mesure sur l’ensemble du réseau concerné.
L’émission a réussi à occulter l’ensemble des arguments les plus importants en faveur de la réduction de la vitesse maximale sur toute la longueur des voies et non sur des segments considérés comme plus dangereux. Cette nécessité est reconnue par tous les chercheurs qui ont travaillé sur l’évolution du risque lié à la vitesse. A partir des années soixante, ils ont travaillé sur la notion de « zone d’accumulation d’accidents », qualifiée de « point noir » dans le langage courant. Progressivement, la mortalité a été divisée par 5, alors que le trafic était multiplié par 7. Cette division par 35 du risque au kilomètre parcouru a été obtenue par un ensemble de progrès incluant le traitement des risques locaux liés à l’infrastructure. Les accidents se sont répartis sur toute la longueur des voies les plus utilisées et c’est le trafic qui a déterminé le nombre de tués au niveau de chaque voie. L’émission a réussi ce tour de force de développer un argumentaire, destructeur de l’abaissement de la vitesse maximale sur l’ensemble des voies non autoroutières, sans exprimer un seul argument valide en faveur de cette mesure, non seulement dans le domaine de l’accidentalité, mais également dans celui de la réduction de la consommation de carburant, donc de la production de gaz à effet de serre !
Raphaële Schapira est une des journalistes qui ont préparé cette émission. Elle m’a téléphoné et, dans un échange de plus d’une heure, chacun devant son ordinateur, à l’adresse www.securite-routiere.org/infrastructure/accidentalite_departementale.html j’ai pu lui commenter les 5 pages de cartes, graphiques et analyses, détaillant la situation de l’accidentalité de la Haute Loire dans le cadre d’une étude de l’ensemble des voies non autoroutières sur une période de 10 ans. L’importance de l’accidentalité mortelle, sur une faible proportion de voies supportant un trafic élevé ( 53% des tués sur 7 voies représentant 10,3% du réseau), démontre la nécessité d’appliquer la limitation de la vitesse à 80 sur ces voies. Aucun des arguments, fondés sur la réalité des faits, n’a été utilisé dans l’émission. Elle est comparable à une émission sur la vaccination donnant la parole à des dizaines d’opposants et à un seul défenseur de la mesure. Le Préfet, n’a pas développé les arguments les plus importants, qui étaient connus des journalistes qui ont construit l’émission.
Dans une équipe qui réalise un documentaire de cette importance, plusieurs partenaires interviennent et il existe une hiérarchie allant de la base jusqu’à Elise Lucet. Quand la ligne de conduite est hostile à une décision, par exemple la limitation de vitesse à 80 km/h, les journalistes n’ont pas le pouvoir de corriger une présentation privilégiant le mensonge et la manipulation des faits. J’ai demandé à Raphaële Schapira si elle avait eu une parole libre et écoutée lors de la finalisation de l’émission. Je n’ai pas eu de réponse.
La volonté de conditionner et de désinformer utilise deux méthodes : exprimer des oppositions à la mesure et éviter les preuves de son efficacité
Le parti pris d’une opposition sans nuance à la réduction de la vitesse maximale est exprimé dès les premières minutes de l’émission.
Ce conditionnement initial par une affirmation et une répétition est un procédé connu des spécialistes en sciences cognitives, des publicistes et des lobbyistes. Il a été utilisé par les opposants à cette mesure dès la prise de décision en janvier 2018. La répétition de la même notion, avec des variantes minimes, la fait apparaître comme une réalité indiscutable.
Dès la présentation de l’émission, Elise Lucet affirme le caractère général de cette opposition en quatre phrases et 1 minute 48 secondes :
« Les 80 km/h exaspèrent les automobilistes »
« Une contrainte de plus insupportable pour les automobilistes »
« C’en est trop pour les usagers de la route »
« 80 km/h la sortie de route »
Une émission équilibrée devait présenter le résultat exceptionnel obtenu après plusieurs années d’accroissement de la mortalité sur les routes : 234 tués en moins entre novembre 2017 (la première annonce du Premier ministre a été faite en décembre 2017) et octobre 2018. Ce succès a été balayé par la phrase suivante de la journaliste : « La sécurité routière affirme que la mesure a fait baisser l’accidentalité sur les routes, le patron électricien n’y croit pas ».
Décrire les affirmation fausses, les mensonges et les manipulations développées dans ce documentaire n’est pas suffisant. Il est indispensable de rappeler les bases épidémiologiques admises par tous les accidentologues. Elles sont résumées à la fin de cette analyse.
Trois sujets ont été traités dans le « Envoyé Spécial » du 28 février, deux étaient de bonne qualité avec des preuves construites avec l’aide de spécialistes compétents.
Le sujet concernant le 80 km/h a été traité sans participation d’accidentologues. J’ai été consulté longuement, mais aucun des arguments donnés en faveur de cette décision n’a été retenu. Les personnes qui se sont exprimées n’ont jamais produit d’études accidentologiques.
Ce documentaire est une illustration parfaite de la différence entre des opinions et des connaissances établies en observant des faits.
Trois séquences longues commentent des accidents mortels.
A – entretien au bord d’une route avec une conductrice qui a été grièvement blessée et un de ses enfants tué à cet endroit.
Cette séquence est émouvante. Une mère revient sur les lieux de l’accident. Elle a été grièvement blessée, handicapée pendant deux ans, un de ses fils est mort. Elle explique que l’accident a été produit par l’endormissement de la conductrice venant en sens inverse, qui a perdu le contrôle de sa voiture. La remarque concernant l’accident est la suivante « 90 ou 80 km/h ce n’est pas la question », « Ce qui la révolte ce sont les comportements dangereux ». Elle remarque une voiture qui double un poids lourd et commente « regardez le doubler, vous avez vu ». L’endormissement au volant à l’origine de l’accident est un facteur de risque important, ses conséquences sont réduites quand deux véhicules qui se heurtent frontalement ont chacun une vitesse plus basse de 10 km/h.
La seconde partie de son intervention se situe sur son lieu de travail de formatrice d’esthéticiennes. Ses élèves expriment leur perception angoissante du risque d’accident provoquant un commentaire de la journaliste « Ce n’est pas la vitesse qui les inquiète le plus ». L’exemple d’un dépassement dangereux est cité, avec d’autres facteurs : « Il n’y a pas que la vitesse malheureusement, il y a l’alcool, il y a la drogue ». Aucun commentaire n’est fait expliquant que tous les facteurs de risque qu’elles citent ont une gravité moindre quand la vitesse est plus faible. Minimiser l’importance de la vitesse, alors qu’elle intervient dans tous les accidents, est un argument constamment mis en avant dans cette émission.
B – séquence regroupant trois personnes qui commentent un accident mortel survenu au niveau d’une station-service hors agglomération à la sortie de Lempdes.
Parmi les trois accidents analysés « sur le terrain » celui-ci est particulièrement démonstratif de la différence entre les opinions et les connaissances établies par des méthodes valides. Trois personnes militent pour accroître la sécurité routière dans leur commune. Un pilote d’hélicoptère, une femme médecin intervenant sur des lieux d’accidents et un formateur d’infirmières.
A une période où la vitesse maximale était encore de 90 km/h, une jeune conductrice quitte la station-service vers la gauche pour rejoindre l’agglomération, elle est heurtée transversalement et tuée par un véhicule qui venait sur sa gauche sur sa voie de circulation normale. Les trois intervenants considèrent la réduction de la vitesse maximale à 80 km/h à cet endroit comme « complètement inadaptée ». Ils demandent une réduction à 70 km/h. Leur intervention est un bon exemple de différence entre le savoir-faire associé à un métier et l’absence de compétence concernant le sujet traité. Un médecin qui a une compétence pour s’occuper d’un blessé, un conducteur d’hélicoptère du SAMU et un formateur d’infirmières gèrent les interventions en aval de l’accident. Ces caractéristiques permettent de faire état du malheur humain lié aux accidents, mais leur savoir-faire concerne les résultats de l’accident et non l’ensemble des facteurs qui sont intervenus pour le produire.
L’accident est arrivé en mars 2018, au niveau d’une station-service sur une ligne droite en dehors de l’agglomération de Lempdes, à 700 mètres d’une intersection avec l’autoroute à A75. Une jeune conductrice venant de l’agglomération a voulu sortir de la station-service par son entrée pour retourner vers Lempdes. Un véhicule venant de l’agglomération sur sa gauche l’a heurtée et elle est décédée. La vue par satellite, accessible sur géoportail, permet d’observer cette configuration d’accident dépourvue d’ambiguïté.
Surprise (surjouée) du journaliste, quand les trois intervenants lui disent que l’abaissement de 90 à 80 km/h de la zone où est intervenu l’accident « est totalement inadaptée ». Ils affirment que la limitation à 70 est indispensable
Le pilote connaît bien les voies sur lesquelles il intervient et ses commentaires sont pertinents, quand il survole une des voies en ligne droite de la Haute Loire sur laquelle surviennent un grand nombre d’accidents (la nationale 102 : 21 tués en 10 ans). Il indique « il y a des cartons en pleine ligne droite et ce n’est pas normal ». Avec cette remarque il est dans son domaine de compétence. Il sait que ce sont sur les bonnes routes en ligne droite supportant un trafic important que surviennent la majorité des accidents mortels. Ce constat pourrait être utilisé pour démontrer que la demande de revenir au 90 sur ces voies, en apparence non dangereuses, est une absurdité. Il n’y a plus de voies non dangereuses pour une raison simple : la majorité des accidents graves sont maintenant localisés sur toute la longueur des meilleures routes qui supportent les trafics les plus élevés.
Les commentateurs ne disent pas qu’une ligne blanche continue interdisait de tourner à gauche pour retourner vers Lempdes. La meilleure méthode pour prévenir cette faute grave, fréquente en sortie de station-service, est l’installation d’un séparateur des sens de circulation. Elle peut être assurée par un séparateur en béton ou par une ligne de balises en plastique qui a pour avantage d’être moins agressive que le muret béton. Dans ce type d’accident, l’association de fautes des deux usagers peut intervenir. Un véhicule en excès de vitesse heurte un véhicule qui lui barre la route en faisant une manœuvre interdite. Aucune évaluation de la vitesse de circulation du véhicule, heurtant latéralement le véhicule qui sortait de la station-service, n’est indiquée. Nier le rôle favorable qu’aurait pu produire la réduction à 80 Km/h de la VMA sur le freinage du véhicule heurtant et sur sa vitesse au moment de l’impact exprime une absence de connaissance des niveaux de risque à 70, 80 et 90 dans un choc transversal de ce type. L’évaluation du rôle de l’énergie cinétique sur une distance d’arrêt, puis sur le niveau de destruction du véhicule heurté en fonction de la vitesse à l’impact, est une affaire de spécialiste.
La remarque la plus étonnante de ces trois intervenants est la suivante : « les gens ne se tuent plus à cause de la vitesse, ils se tuent parce qu’ils s’endorment au volant, ils s’endorment, ils vont trouver des dérivatifs, un téléphone portable, ils s’ennuient ». Autrement dit, ils ne croient pas au rôle de la vitesse, mais ils réclament une réduction de la vitesse à 70 sur une zone dangereuse. Ils reconnaissent donc qu’un accident provoque moins de dommages quand la vitesse de circulation est plus faible. Quant à l’endormissement qui serait favorisé par le 80, c’est-à-dire 5 secondes de plus au kilomètre, c’est une explication que nous avons entendue dès les réformes de 2002. Elle est dépourvue de validité, les endormissements au volant sont produits par l’insuffisance de sommeil, ils s’observent à toutes les vitesses, y compris sur les autoroutes et la gravité des dommages est proportionnelle à la vitesse.
Il est évident que le « totalement inadapté » de ces trois intervenants n’est qu’une mise en scène pour dévaloriser le 80. Abaisser de 90 à 80 la vitesse ne peut que réduire le risque de blessure ou de mort et cette réduction est plus importante proportionnellement entre 90 et 80 qu’entre 80 et 70, du fait de l’intervention d’une fonction puissance dont la compréhension est à la base de tout raisonnement en matière de biomécanique des chocs.
C – un accident mortel met en cause un problème d’infrastructure
Les accidents mortels liés à des anomalies au niveau du véhicule ou de l’infrastructure sont rares. Mettre en cause un facteur d’accident lié à un défaut de l’infrastructure et insister sur l’insuffisance des moyens financiers, destinés à améliorer la qualité et à réduire le risque, est un propos très souvent utilisé pour diminuer la proportion d’accidents imputables à un comportement des usagers. Curieusement ce sont habituellement les caractéristiques de la chaussée qui sont présentées comme des facteurs de risque, sans prendre en compte les caractéristiques des bas-côtés. Il y a deux phases dans le déroulement d’un accident.
L’accident décrit dans l’émission s’est produit à l’entrée de Bar et Basset dans un segment de voie qui n’est pas encore limité à 70. Le panneau 70 placé avant le pont sur la Loire est bien visible sur les photos. C’est le propriétaire de cette maison qui décrit l’accident. Sa maison est située au début d’une courbe vers la gauche. Il montre le point d’impact sur la bordure de la fenêtre. Cette dernière est sur un pan de la maison qui est oblique par rapport à la route. Un petit muret protège la maison précédente, mais il n’est pas prolongé jusqu’à la maison qui a été heurtée.
Le propriétaire remonte la voie qui est en pente vers Bar et Basset et montre du doigt une fissure sur le revêtement que l’on ne peut pas localiser par rapport à l’accident. Plus haut, des balises réduisent la chaussée utilisable, un éboulement étant survenu le long de la Loire, 3 semaines après l’accident. Cet éboulement n’atteint pas la chaussée. L’hypothèse envisagée par cet homme, qui est un retraité des Ponts et Chaussées, est l’existence d’un creux sur la chaussée qui aurait joué un rôle de tremplin dans la production de l’accident observé. Il montre à un moment une fissure du macadam en gros plan qui ne peut être localisée par rapport à l’accident.
Les cartes mais aussi les photos de Google Map permettant de suivre la totalité du segment de voie concerné et d’effectuer des mesures. L’éboulement de la bordure de la route qui est signalé par des balises se situe à une distance de 100 mètres de cette maison. Les photos de Google Map permettent de constater qu’il y a un bas-côté large sur la partie qui se situe entre l’éboulement et la maison la plus haute.
Dans ce contexte, l’hypothèse de l’effet tremplin est exclue, le véhicule a fait un tout droit en début de virage, et l’absence de muret béton, associée à l’angle de la maison par rapport à la voie, a permis le choc contre le mur et la bordure de fenêtre en relief). Le point d’impact est marqué en rouge sur les deux photos suivantes (Google Map).
Les trois photos ci-dessus :
D – un artisan développe les arguments suivants contre le 80.
E – les commentaires du Président du Conseil départemental
Il est dans la ligne des arguments utilisés par un grand nombre d’élus départementaux (députés, Présidents des Conseils généraux, plus rarement des maires). La commission, créée par le Sénat après la décision de janvier, a exploité un ensemble d’arguments invalides que j’ai analysés. Ils sont repris dans l’émission.
https://www.securite-routiere.org/docacrobat/2018senat23janvcommentaires.pdf
Pierre Marcon reconnaît d’emblée son conflit d’intérêt ! « Il me reste très peu de points sur ma carte. Le dernier que j’ai perdu, c’était sur un secteur à 80. J’avais mis mon limiteur de vitesse, malheureusement j’étais en descente et le limiteur ne marche pas trop dans ces cas-là. J’ai été pris à 86 ramené à 81, mais j’ai quand même un point de moins ». Le nombre de conducteurs qui perdent un point dans une descente pour un très faible excès de vitesse, alors qu’ils utilisent leur limiteur de vitesse, devient impressionnant. Il serait plus utile de nous indiquer son nombre de points perdus depuis l’instauration du permis à points le 1er juillet 1992. 77 % des conducteurs ont aujourd’hui leurs 12 points, et 85 % d’entre eux ont 10 points ou plus. Il est inévitable de perdre des points sur le temps long, j’en ai perdu 5 en 27 ans en parcourant environ 20 000 km par an. L’opposition de nombreux élus à cette réduction de la vitesse maximale a plusieurs motivations. Outre la volonté évidente de s’opposer au gouvernement, il y a un biais de sélection qui est apparu dès la réforme de Jacques Chirac en 2002. L’interdiction de la suppression d’une infraction sans motif sérieux a déplu à des responsables locaux qui bénéficiaient d’indulgences abusives. Il est vrai que leurs activités impliquent de nombreux déplacements, des rendez-vous, des réunions dont la durée est difficile à maîtriser, mais cette situation ne justifie pas le non-respect des règles, ni l’opposition à la réduction de la vitesse maximale à 80 km/h.
La première critique concerne l’absence de concertation au niveau local. Pierre Marcon indique que la notion de « décision unilatérale qui a été prise d’en haut a été mal interprétée, d’abord parce qu’elle venait d’en haut, il n’y a pas eu d’explication, pas de concertation au niveau local non plus ». Le débat sur le 80 km/h a été initié à la demande du Conseil national de la sécurité routière en février 2013. Le rapport du comité des experts a été soumis au CNSR le 22 novembre 2013 et rendu public. La recommandation de l’adoption du 80 km/h hors agglomération n’est donc pas une surprise, découverte en 2017 par les élus.
Assurer la sécurité fait partie des fonctions régaliennes du Gouvernement et les limitations de vitesse maximales ont toujours été définies par décret au niveau national en fonction du type de route. Cette homogénéité est une nécessité pour simplifier la tâche des conducteurs. Quand des caractéristiques d’une voie au niveau local le justifient, les gestionnaires peuvent fixer une vitesse plus basse. Quand la vitesse en agglomération a été réduite de 60 à 50 km/h, toutes les agglomérations ont été concernées. Les maires ont eu la possibilité de fixer une valeur plus basse, par exemple de maintenir le 45 km/h existant avant la réduction à 60. Ils avaient également la possibilité de faire le choix de voies à 30 km/h ou de créer une zone 30 sur l’ensemble ou une partie de l’agglomération. Le décret du 30 janvier 2008 a permis d’autoriser des vitesses à 70 km/h sur des segments de voie en agglomération dans des conditions définies. Il a été très peu utilisé par les maires, car la réglementation a défini des exigences qui ont été rarement remplies.
Un argument de Pierre Marcon est particulièrement inadapté, car il le fonde sur un constat qui prouve l’inverse de ce qu’il souhaite prouver. Il explique qu’il a fait installer 175 segments de voies à 70 km/h. Une carte peu lisible est présentée au cours de l’émission. Quand elle est éclaircie pour localiser les segments de voies limités à 70 on peut constater qu’ils ne se situent pas sur les trois voies supportant les trafics les plus importants et sur lesquels se produisent la majorité des accidents mortels. Quand la journaliste commente la carte ci-dessous avec les propos suivants : « « Dans la plupart des lieux où se sont produit les accidents mortels la vitesse a été réduite à 70 », elle ne se trompe pas, elle ment, car elle connaît les cartes qu’il fallait utiliser pour démontrer que la mortalité la plus importante n’est pas sur les voies marquées par ces traits rouges. La RN 102, dont le pilote d’hélicoptère a indiqué le nombre élevé d’accidents sur lesquels il est intervenu, n’est pas marquée par un seul de ces traits rouges. Après 15 mois d’annonce de la décision prise par le Premier ministre, aucun département n’a produit « sa carte » de retour de certaines voies à 90 km/h. Ce n’est pas seulement le fait de leur paresse et de leur incompétence, il s’agit d’une impossibilité liée à l’accidentalité au niveau des voies.
Le Président du Conseil départemental de Haute Loire, comme ses collègues contestant la mesure, n’a pas présenté de carte des routes exprimant ses connaissances locales justifiant le maintien à 90. L’accidentalité des routes de la Haute Loire est connue, c’est un des départements qui a localisé les accidents mortels pendant une période longue sur des cartes d’une grande qualité, mettant bien en évidence le nombre élevé de tués sur un petit nombre de voies supportant un trafic important.
Réclamer une adaptation de la VMA en fonction de connaissances locales qui permettent de la réduire en fonction de la « dangerosité » des voies est un raisonnement d’un autre âge. Le risque de se tuer au kilomètre parcouru par un usager s’est abaissé de 102 par milliard de kilomètres à 5,7 entre 1960 et 2017. Cette division par 18 a été obtenue par des actions concernant les trois partenaires du risque : les véhicules, les infrastructures et les usagers. Elle a transformé la gestion des risques, notamment au niveau des voies. Il suffit de regarder les cartes de mortalité de la Haute-Loire pour comprendre que c’est le trafic qui commande la mortalité observée sur une route. Il est insupportable que la démagogie d’ignorants se substitue à la réalité des faits.
F – Les commentaires du Préfet
La dévalorisation du 80 a été associée à des séquences pouvant donner l’impression d’une émission équilibrée. Elles exploitaient trois notions, le malheur humain provoqué par les accidents, la valorisation de décisions dont on connaît l’inefficacité, et finalement la position du Préfet de la Haute Loire qui apparaissait comme le seul défenseur d’une action visant à réduire le nombre d’accidents. Il est difficile de porter un jugement sur ses interventions, car nous n’avons pas l’ensemble des propos échangés avec les journalistes construisant l’émission.
Ses interventions ne font pas apparaître les preuves de l’efficacité du 80 km/h. Dans l’une d’entre elles, en parallèle avec le journaliste qui étalait sur sa table les prises de position contre le 80, il mettait en évidence un grand nombre de coupures décrivant des accidents graves. Dans une autre, il accompagne des militants rencontrant des jeunes mis en danger par leur alcoolisation de fin de semaine, témoignant de son intérêt pour la prévention pour ce type de risque. Il n’a tenu que deux propos concernant directement la sécurité routière.
On ne le lui demande pas de décrire l’évolution récente de l’accidentalité, notamment le passage d’un accroissement de plusieurs centaines du nombre de tués sur les routes de 2014 à 2017 avant l’adoption du 80 et l’inversion de cette tendance lors de l’annonce du Premier ministre avec 250 tués en moins, de décembre 2017 à novembre 2018. Le déséquilibre, entre 1 personne favorable au 80 qui n’exprime pas ou que l’on ne laisse pas exprimer les arguments prouvant l’efficacité de la décision et plus de 20 personnes opposées à la mesure, sort des limites de tout ce que j’ai pu entendre depuis le début de mes recherches dans le domaine de l’accidentologie en 1970.
F – Les phrases isolées
L’usage d’un grand nombre de phrases très courtes allant dans le même sens est un classique du bourrage de crâne qui est analogue au processus de répétition utilisé par les publicitaires.
« Quand on roule à 80 ben c’est faible, on a l’impression de rouler à 50 »
« C’est une entrave à nos libertés »
« Rouler à 80 sur certaines routes départementales que je connais c’est complètement ridicule »
« Je suis plus souvent qu’avant coincée entre deux camions ».
Les commentaires de la journaliste, qui accompagnent les propos des personnes interrogées, contribuent à préparer les phrases exprimant des refus. La mise en place de nouveaux radars capables, outre la mesure des vitesses, d’identifier des fautes graves comme l’usage du téléphone portable, un dépassement interdit, ou l’absence de respect des distances de sécurité, provoque le commentaire suivant « c’est la tolérance zéro, pour les automobilistes c’en est trop ».
Ces opinions sont à l’opposé des connaissances acquises. Elles refusent la relation établie entre le respect de la règle et l’accidentalité. L’évolution inverse des pertes de points de permis et de la mortalité a été évidente :
« à 80 km/h on s’endort, c’est plus dangereux ». Cette affirmation fausse réapparaît à chaque réduction des vitesses maximales. La perte de contrôle par endormissement est un problème important. La réduction des temps de sommeil est un fait constaté, il n’est pas lié à la vitesse et à l’opposé la diminution des vitesses réduit la violence des chocs et donc la proportion de blessés et de tués. Ce fait a été notamment constaté après la mise en service des radars automatiques sur les autoroutes. La mortalité a été divisée par deux et les accidents attribués à l’endormissement se sont réduits en nombre.
G – Les réseaux sociaux, dont la dérive vers des réseaux asociaux est une caractéristique inquiétante, ont adressé au journal le Réveil de nombreux messages
« Il faut bien contribuer au paiement du salaire de Benala »
« On va peinturlurer une fois de plus »
« Eh ben il va y avoir plus de boulot pour les peintres et les pyromanes. Ils se sentaient désœuvrés »
« 80 chances en plus de te faire taxer »
« Sécurité rentière »
« Il faudra bientôt ressortir les chevaux et la diligence on ira plus vite au moins »
« Le nouveau Las Vegas avec toutes ses machines à sous »
« Demandez plutôt une analyse psychiatrique çà servira au moins à savoir quels médocs peuvent arrêter cette radarmania »
« Ils nous prennent en photo à notre insu, ça devrait être interdit, non ?
Manifestement, aucun de ces auteurs n’imagine qu’un de ses enfants, son conjoint, ses parents peuvent perdre la vie, l’usage de leur membre ou de leur cerveau dans un accident. Une mesure peu contraignante maintiendra en bonne santé plusieurs centaines de personnes. L’exigence d’accroitre la sécurité, de réduire la dégradation du climat, sont des demandes fortes. Réduire la vitesse maximale fait partie des réponses raisonnables.
Conclusions
La production de ce documentaire sur le 80 km/h :
est un comportement qui déshonore ceux qui ont exploité cette accumulation de mensonges et de manipulations, faisant passer la démagogie avant le respect de leur métier et de la vie des usagers de la route.
Les opposants à la réduction des vitesses sur les routes ont une hiérarchie des valeurs qui fait passer l’allongement (très surestimé) de 5 secondes au kilomètre d’un parcours routier avant la protection de la vie des gens et celle du climat qui impose de réduire la consommation de carburant.
La banalisation de telles attitudes exprime la tolérance d’une information biaisée qui détruit le bon fonctionnement d’une démocratie. Sa gravité est sous-estimée par les gestionnaires de l’Etat et l’impunité devient la règle, y compris sur les chaines publiques. Quand la lutte contre le 80 a produit des destructions de radars, nous avons su que les bons résultats de l’année 2018 allaient être remis en question, car le respect des règles du code de la route est étroitement lié à la crédibilité du dispositif de contrôle et de sanction. Il ne s’agit pas d’opposer des chauffards et des bons conducteurs, mais de convaincre tous les usagers qu’un faible accroissement de la vitesse tue et qu’ils doivent respecter les règles.
Le développement du mensonge et de la manipulation des faits exploitant l’ignorance contribue à détruire le fonctionnement d’une démocratie. Christian de Duve, un prix Nobel de médecine nous a rappelé qu’ « il est de notre devoir à nous autres scientifiques de défendre la liberté contre les faussaires ». J’ai cette conviction, elle ne m’a conduit qu’une fois vers la 17ème chambre correctionnelle pour diffamation. Un journaliste du Nouvel Observateur, Airy Routier, n’avait pas supporté l’analyse des mensonges accumulés dans son livre « La France sans permis ». J’ai toujours considéré le jugement de relaxe obtenu comme l’équivalent de la reconnaissance de la qualité d’une publication par le comité de lecture d’une revue scientifique, notamment avec la phrase : « Le prévenu pouvait affirmer comme il l’a fait que les erreurs factuelles et de raisonnement qu’il dénonçait relevaient d’une volonté délibérée de l’auteur de travestir la vérité et de tromper le lecteur ».
Ces initiatives individuelles deviennent insuffisantes. J’ai proposé à plusieurs reprises, et j’ai récidivé dans une proposition au grand débat, qu’un organisme sous le contrôle et financé par l’Etat organise la lutte contre ces déviances destructrices. Cela doit se faire sans la moindre censure. Une demande argumentée serait soumise à cet organisme qui la ferait analyser par un ou plusieurs spécialistes du sujet traité, reconnu par leurs pairs. Le document final serait adressé aux producteurs de mensonges et de manipulation des faits qui pourraient produire une réponse argumentée. L’ensemble serait accessible sur un site internet accessible à tous.
Il faut avoir des références :
L’émission d’Elise Lucet du 28 février 2019 ne respecte aucun de ces critères.
Annexe
Les connaissances admises par la communauté des accidentologues ne sont jamais décrites et utilisées
Il est indispensable de résumer les données disponibles justifiant la décision de limiter à 80 km/h les voies sans séparation des sens de circulation. Ce rappel de l’état des connaissances permet de mieux comprendre la volonté de détruire une décision utile :
A – les relations établies au niveau mondial entre la vitesse et l’accidentalité ont été totalement occultées
1/ il n’y a que deux facteurs qui interviennent dans tous les accidents, le trafic et la vitesse. Pas de vitesse pas d’accident, pas de trafic pas d’accident. Le problème de société est de fixer un compromis permettant de se déplacer dans un temps acceptable, en réduisant le risque d’accident et la consommation de carburant.
2/ Leibnitz a établi en 1686 la notion d’énergie. Elle évolue plus vite que la vitesse (élévation au carré). Si une voiture triple sa vitesse, l’énergie qu’elle contient est multipliée par neuf. Si cette voiture s’immobilise brutalement dans un choc contre un arbre, une maison ou un poteau, les déformations et les blessures seront en proportion de l’énergie dissipée.
3/ Depuis une cinquantaine d’années les relations entre les vitesses de circulation et le risque de blessures ou de morts ont été précisées. Il ne s’agit pas d’une construction purement mathématique du risque, mais d’une observation empirique des dommages produits, qui a permis de définir des modèles mathématiques exprimant le risque d’être tué ou blessé. Le modèle proposé par Nilsson en 1982 est considéré comme le meilleur. Il a été confirmé par de nombreuses études. La notion la plus importante à retenir est que la multiplication du risque d’être tué s’exerce avec une puissance supérieure à la simple élévation au carré. Ce résultat s’explique par l’intervention de deux facteurs différents qui se succèdent, d’une part la vitesse initiale de circulation qui va contribuer à produire l’accident et dans un second temps la phase de variation de vitesse produisant la déformation du véhicule et les blessures des occupants.
B – les preuves observées en France n’ont pas été citées
Nous savons que les progrès au niveau des véhicules et des infrastructures sont réguliers et lents. Il faut 8 ans pour renouveler la moitié d’un parc automobile. La création d’autoroutes et le traitement des zones d’accumulation d’accidents ont eu une influence importante, et elle aussi très progressive, sur l’accidentalité. Quand le nombre de tués diminue dans un délai très court, cette évolution favorable est obtenue par la modification du comportement des usagers, sous l’influence d’une modification importante et crédible de la réglementation.
Les valeurs indiquées ci-dessous utilisent les mortalités observées pendant les 12 derniers mois.
1/ les résultats de 1972/1973
Après plusieurs essais de réduction de la vitesse maximale, modulées en fonction du type de voie, la vitesse est réduite à 90 km/h en décembre 1973. La mortalité se réduit de 17 022 tués fin novembre 1973 à 14 079 en décembre 1975, soit une réduction de 17.3%.
2/ les résultats de 2002/2003
L’annonce des mesures adoptées en décembre 2002 (faible tolérance sur les excès de vitesse, interdiction des indulgences abusives et définition du dispositif de radars automatiques qui sera opérationnel à partir d’octobre 2003) réduit dans des proportions très importantes une mortalité qui était stationnaire (2,2% en 5 ans). 7988 morts en novembre 2002 et 5592 en décembre 2004 soit une réduction de 30%.
3/ les résultats de 2018
Décembre 2017 : annonce d’une réduction de la vitesse maximale hors agglomération sur les voies sans séparation des sens de circulation, après 3 années de croissance de la mortalité, 3260 tués en décembre 2014 et 3493 en novembre 2017 représente une augmentation de 233. En 12 mois, la mortalité s’abaisse de 3493 à 3259 en octobre 2018, soit une réduction de 234 (-9,3%). Le début de cette inversion en décembre, soit 7 mois avant l’application de cette réduction de la vitesse, n’est pas surprenan. Une annonce crédible modifie le comportement des usagers avant sa mise en œuvre, une faible réduction de la vitesse dans la perspective crédible du risque de perdre des points a des effets immédiats.
C – Les localisations des accidents mortels au niveau des départements
Localiser les accidents mortels est une connaissance indispensable pour définir les limitations de vitesse. Les départements développent progressivement des cartes qui mettent en évidence une notion d’une grande simplicité : la mortalité sur une voie dépend avant tout du trafic. Autrement dit, il y a encore des accidents plus fréquents dans des ZAAC (zones d’accumulation d’accidents, zones accidentogènes, points noirs), mais ils sont beaucoup plus rares que les accidents se produisant tout au long d’une voie ne présentant pas de risque particulier. Autrement dit, l’argument utilisé depuis l’annonce de décembre 2017 sur la possibilité de limiter aux zones dangereuses la limitation à 80 km/h, les « bonnes routes » étant maintenues à 90 km/h, est dépourvu de fondement.
Au printemps 2018 nous avons réalisé à deux les cartes de tous les départements indiquant celles qui ont été le siège du plus grand nombre d’accidents. La source est connue, c’est le BAAC (bulletin d’analyse d’accidents corporels). Ces cartes sont accessibles sur le site internet que je développe depuis 1999 à l’adresse : https://www.securite-routiere.org/infrastructure/accidentalite_departementale.html
La Haute Loire est un département qui a produit de très bonnes cartes localisant les accidents mortels. Elles mettent en évidence l’importance de la mortalité sur les voies les plus utilisées. 50 % des tués le sont sur seulement 6 voies.
Raphaële Schapira a vu ces cartes, nous en avons parlé ensemble. Il n’y a donc que deux hypothèses envisageables.
D – la différence d’efficacité des mesures capables de réduire l’accidentalité.
Cette notion fonde l’importance de la vitesse quand on envisage les moyens à adopter pour réduire l’accidentalité.
Il faut mettre à leur place les différents contributeurs intervenant dans l’accidentalité.
Ces notions étant précisées, il faut exploiter au niveau de la France la relation vitesse/accidentalité établie par Nilsson. Nous avons connu dans la période 1997-2008 une période de variations importantes de la mortalité sur les routes. La rupture entre la stagnation de 1997/2002 et les réductions très élevées observée de 2002 à 2006 de la vitesse moyenne et de la mortalité confirment la qualité du modèle de Nilsson.
Alors que le risque au kilomètre parcouru a été réduit dans des proportions très importantes, la relation entre la vitesse moyenne et l’accidentalité est demeurée très stable.
Les évolutions des facteurs d’accidents autres que la vitesse peuvent être représentées à partir du niveau observé en 1998. Ce graphique a été établi par Bernard Laumon qui a dirigé les deux études SAM (stupéfiants dans les accidents mortels). L’évolution des proportions est représentée à partir d’une base 1 pour chaque type d’usagers.
L’affaiblissement important et rapide de la mortalité globale à partir de la réforme de 2002/2003 est un fait connu et commenté au niveau mondial par tous les accidentologues comme un succès d’une qualité exceptionnelle. Un des fondements de la recherche épidémiologique consiste à évaluer les différences d’évolution de tous les facteurs qui contribuent à réduire la sécurité. Le graphique produit par Bernard Laumon rend évidente l’évolution très proches les unes des autres des mortalités représentées. Une des courbes concerne l’ensemble des conducteurs, elle exprime en proportion le même succès que celui exprimé en nombre de tués sur le graphique précédent. La notion importante à comprendre est l’évolution identique des proportions de conducteurs qui ont été accidentés dans des conditions très différentes : avec ou sans alcoolisation dépassant le taux légal, ou considérés comme non responsables de l’accident.
Pendant la période analysée, il n’y a pas eu d’évolutions différentes de ces facteurs car c’est la vitesse qui a produit ces variations et elle a eu la même efficacité dans ces contextes différents. Nous avions déjà des indications de cette nature, mais elles n’étaient pas rendues aussi évidentes et aussi bien liées à la vitesse de circulation. Au cours de la période d’une vingtaine d’années illustrée par ce graphique, la proportion d’accidents mortels sous l’influence de l’alcool n’a pas varié, elle est toujours proche de 30%. La réduction de la vitesse a réduit la violence des chocs et cette réduction a été bénéfique aussi bien pour les usagers sous l’influence de l’alcool que pour ceux qui avaient une alcoolémie inférieure au seuil légal. L’évolution identique des proportions d’usagers considérés comme responsables ou non responsables de leur accident exprime le même effet favorable de la vitesse de la réduction de la vitesse moyenne des véhicules qui est un fait mesuré que l’on ne peut pas contester.
E – L’absence complète de prise en compte du réchauffement climatique
Il n’y a maintenant plus de doute sur la gravité des conséquences du réchauffement climatique. La France s’est engagée en 2015 lors de la Cop21 à réduire de 29% l’émission de gaz à effet de serre produit par les transports routiers à l’échéance 2028. Nous sommes dans la quatrième année après cet engagement et la consommation de carburant sur les routes ne se réduit pas. Les voitures « raisonnables » actuelles peuvent rouler entre 50 et 60 Km/h sur le rapport le plus élevé (4ème, 5ème ou 6ème vitesse). C’est à ce niveau de vitesse là que la consommation minimale de carburant est obtenue.
Quand un véhicule roule à 80 km/h au lieu de 90, il réduit sa consommation d’environ 7% et cette économie de carburant associée à une réduction de l’émission de dioxyde de carbone peut atteindre 12% si le 80 est respecté strictement. Actuellement, sur une voie libre, sans intersection, ni courbe, ni chaussée bombée sur sa longueur, seulement 1/3 des véhicules légers ne dépassent pas le 80 km/h.
Une société doit respecter le principe de cohérence. Il est inacceptable de prétendre que la réduction de la production de gaz à effet de serre est une nécessité, tout en refusant de réduire de 5 secondes par kilomètre sa vitesse de circulation. Le documentaire d’Elise Lucet ne contient pas un mot sur l’importance de réduire la production de dioxyde de carbone sur les routes.
Produire un documentaire sur l’abaissement à 80 km/h de la vitesse maximale en occultant les cinq groupes de connaissances ci-dessus est un comportement qui déshonore ses auteurs. Ils ne se sont pas comportés comme des journalistes, mais comme des lobbyistes asociaux.
État des lieux
Avec la mobilisation de tous, c’est possible !