Chantal Perrichon, la dame des 80 km/h

Chantal Perrichon n’est pas seule à la Ligue contre la violence routière. Elle est certes la figure de proue qui prend un maximum de paquets de mer mais ce qui assure la flottaison du navire c’est la coque constituée par nos militants sur le terrain. La Ligue répond scrupuleusement à toutes les obligations légales et démocratiques d’une association loi 1901. La Présidente ne décide pas seule, c’est la force des délibérations de l’assemblée générale de ses militants qui motive ses interventions.


Grazia Par Bertrand Rocher 

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Sans l’acharnement de Chantal Perrichon et de sa Ligue contre la violence routière, la réduction de la vitesse autorisée sur les routes secondaires ne serait pas effective le 1er juillet. Une victoire de plus pour cette inlassable combattante.

« Mégère hystérique« , « Vieille connasse », « Putain de sa mère » … Après chaque passage de Chantal Perrichon à la radio ou à la télévision, les ultras de la vitesse se font flasher en flagrant délit d’excès de colère sur les forums et réseaux sociaux. L’intéressée, qui a sagement choisi de fermer ses écoutilles, ne verbalise pas. Sauf quand elle se fait caricaturer en djihadiste ou quand on lui adresse anonymement des balles d’armes à feu.

Dans le premier cas, la présidente de la Ligue contre la violence routière exige le retrait. Dans l’autre, elle porte plainte. Comme à chaque menace de mort. « Elle a le cuir épais », sourit son vieil ami le Pr Claude Got. N’empêche : à quelques jours de l’instauration de la limite de vitesse à 80 km/h (sur les routes à double sens sans séparateur central), cette battante de 69 ans accuse le coup. Epuisée de devoir sans cesse monter au créneau pour justifier ce décret qui suscite une levée de pare-chocs (70 % des Français y seraient hostiles). Fatiguée de voir récuser ses exposés par des interlocuteurs « au QI de pintade, effarants de malhonnêteté ».

Le 17 mars en Ardèche, des automobilistes manifestaient contre la « loi des 80 km/h »

« Une femme qui veut brider la vitesse est perçue comme castratrice »

Quand on la retrouve, dans sa maison douillette de l’Ouest parisien, Chantal Perrichon trouve encore la force de rire en tentant de dater au « crétacé jurassique » le degré d’évolution de ses adversaires. Ou en extrapolant sur l’infamant théorème « grosse voiture, petite b… ». « Une femme qui veut brider la vitesse apparaît forcément comme une castratrice. C’est un handicap. A ce propos, où sont les femmes dans les associations de défense des conducteurs ? Je les cherche. »

Plus sérieusement, Madame la présidente a la certitude, comme son amie la réalisatrice Coline Serreau, qui la compare, lyrique, aux « résistants de 1940 », d’être visionnaire. « A chaque progrès de la Sécurité routière, on a entendu les mêmes dénonciations de lois « liberticides ». En 1973, pour les premières limitations de vitesse et le port obligatoire de la ceinture. Puis pour le durcissement des contrôles d’alcoolémie ou le permis à points. A chaque fois, la diminution spectaculaire du nombre de morts nous a donné raison. Rendez-vous à la fin de l’année ! »

Dans le lard des chauffards

Ce sera la seizième que cette psychologue et orthophoniste de formation passe à la tête de la Ligue contre la violence routière, créée en 1983 par la journaliste Geneviève Jurgensen. A la différence de cette dernière, dont les deux fillettes furent tuées par un chauffard, Chantal Perrichon n’a pas vu meurtrir sa famille. Tout juste a-t-elle été traumatisée quand un garçon de 6 ans, ami de ses jumeaux, a péri écrasé par un motard dans son quartier. « On nous caricature en association de victimes pour faire croire que notre jugement est faussé par l’émotion. Rien n’est plus faux. Moi, à la base, j’ai hérité de mon père, anti-franquiste, la haine de l’injustice et de la violence faites aux autres. Ce virus s’est d’abord traduit par des combats pour le droit des femmes à disposer de leur corps, puis contre l’amiante lorsque je travaillais à la faculté de Jussieu, qui en était infestée. »

Elle sera le fer de lance de la croisade qui conduira à l’interdiction de cet isolant en 1997. Après ce combat très rude, elle promet à ses proches de prendre du recul. Mais l’envie de ferrailler contre les lobbies responsables du deuil de neuf familles chaque jour est trop forte. Alors elle est repartie au front, avec sa fougue devenue légendaire. « Chantal est excessive parce qu’elle sait qu’il n’y a que comme ça qu’on peut clouer le bec aux menteurs, justifie Geneviève Jurgensen. Elle a besoin de rentrer dans le lard de ses ennemis. Souvent avec humour et impertinence. »

D’autres pistes pour diminuer encore le nombre de morts sur les routes

Derrière ces empoignades médiatiques, il y a un travail de sape auprès des cabinets ministériels. Selon Claude Got : « Sa ténacité, la qualité scientifique de ses argumentaires lui confèrent un poids politique exceptionnel. C’est elle qui a emporté l’adhésion d’Edouard Philippe. Sans elle, le passage aux 80 km/h n’aurait jamais vu le jour. Les 400 personnes dont la vie sera épargnée chaque année lui en seront redevables. »

Mais les 80 km/h ne sont pas une panacée. Pour diminuer le nombre de morts (2 000 en 2020, contre 3448 en 2017), Chantal Perrichon sait qu’il lui faudra vite surmonter sa lassitude. Et dégainer de nouvelles propositions : équiper les voitures d’un limitateur automatique de vitesse et d’une boîte noire, sanctionner plus effectivement l’abus d’alcool, bannir l’usage du téléphone.

Entre autres. Autant de mesures qui ulcèrent une guirlande de lobbies. « La société évolue lentement, diagnostique Coline Serreau. Il faut savoir, comme Chantal, aller à contresens.« 

Prendre l’autoroute en sens inverse ? De quoi achever de convaincre ses virils détracteurs que les femmes ne savent décidément pas conduire…

État des lieux

Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 :

Avec la mobilisation de tous, c’est possible !

Le bilan
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