EXCLUSIF: Les routes où la vitesse tue le plus – les cartes par département
Dans son numéro du dimanche 17 juin 2018, le JDD vient de consacrer ses 7 premières pages à la mortalité sur les routes concernées par le 80km/h dès le 1er juillet.
A la demande de la Ligue, Claude Got a initié et coordonné une étude de l’accidentalité (entre 2006 et 2015) des 400 000 kilomètres de routes bi directionnelles sans séparateur médian.
Cette étude prouve que dans chaque département 50% des tués sont recensés sur 15% en moyenne de la longueur totale de ses routes.
92 cartes montrent que les plus « belles » routes (souvent droites, en bon état) sont celles qui totalisent le plus de tués. Ce sont également les voies les plus circulées, celles qui ont le plus gros trafic.
Chacun peut maintenant vérifier la légitimité de la mesure prise par le Premier ministre Edouard Philippe.
Nous remercions le JDD qui a permis la parution de cette étude : 5 éditions régionales, une nationale et un site qui permet de consulter les travaux.
Département par département, une étude de la Ligue contre la violence routière recense les routes départementales et nationales où il y a le plus d’accidents mortels. En 92 cartes, que nous publions, elle valide le principe de la proposition du gouvernement, qui sera appliquée le 1er juillet.
Le passage aux 80 km/h à partir du 1er juillet est désormais officiel. Dimanche matin, le décret modifiant le code de la route est publié au Journal Officiel ; il a été signé vendredi par le Premier ministre. « J’assume le risque de l’impopularité. » Depuis l’annonce de sa décision historique de réduire la vitesse sur les voies secondaires, Édouard Philippe répète cette phrase prononcée début janvier dans une longue interview au JDD. Il ne ménage pas ses efforts pour défendre une mesure qui pourrait sauver entre 300 et 400 vies chaque année et infléchir durablement une courbe de la mortalité repartie à la hausse depuis 2013 (malgré une légère amélioration l’an dernier avec 3.684 tués).
La pétaradante présidente de la Ligue contre la violence routière y est allée au culot en décidant de se « substituer à la puissance publique ». Il y a deux mois, elle a commandé à son complice Claude Got, expert réputé en accidentologie, une étude inédite visant à « clouer le bec » des présidents de conseils départementaux qui s’opposent à la réforme. Le travail confié à ce professeur de médecine à la retraite était herculéen : produire une série de cartes mettant clairement en évidence, département par département* les voies où est recensé le plus grand nombre de tués. Après des nuits blanches passées à écumer la base de données officielle des accidents, l’acharné de 82 ans vient de rendre sa copie. Deux semaines avant l’entrée en vigueur des 80 km/h, la conclusion, sans appel, est dévoilée en exclusivité par le JDD et de manière exhaustive par lejdd.fr : « Sans surprise, notre étude démontre que les belles routes secondaires sont celles où on meurt le plus et donc que la politique gouvernementale est pertinente, résume Chantal Perrichon. C’est un truisme, mais ça va mieux en le prouvant!« .
Cartes départementales. Cliquer sur le n° de département
Documenter l’accidentalité au niveau départemental
A la demande de la Ligue contre la violence routière, un groupe de travail a réalisé une analyse de l’accidentalité des départements établissant la relation entre les voies concernées par l’abaissement de la vitesse (toutes les routes bi directionnelles sans séparateur médian) et la mortalité observée sur 10 ans.,
Le contexte
Le débat sur la réduction de la vitesse maximale sur le réseau hors agglomération sans séparation des sens de circulation a mis en évidence la différence entre les connaissances disponibles et leur mise à disposition au niveau local.
Le risque d’être tué sur une route dépend des caractéristiques de la route et de l’intensité du trafic. Il faut distinguer le nombre de tués observé sur une longueur de voie (densité) et le nombre de tués en fonction des kilomètres parcourus (taux de mortalité).
Au cours des cinquante dernières années, la mortalité au milliard de kilomètres parcouru a été divisée par 18 sous l’influence de progrès concernant les véhicules, l’infrastructure et les évolutions du code de la route, notamment celles réduisant les vitesses de circulation. Cette évolution a transformé l’accidentalité. Le risque lié à l’infrastructure (les points noirs) est actuellement très faible, les accidents se dispersent sur toute la longueur des voies et c’est le trafic qui détermine le nombre d’accidents par kilomètre de voie.
Cette évolution est décrite par les organismes de recherche et de gestion dans le domaine de la sécurité routière. Les dénombrements d’accidents au niveau des départements mettent en évidence des catégories de voies non autoroutières qui concentrent une proportion élevée des accidents. La description des proportions d’accidents mortels en fonction des proportions de voies sur lesquelles les densités d’accidents sont les plus élevées a été actualisée par l’ONISR. En moyenne, 50% des tués sont observés sur 15% des voies.
Ces données sont indiscutables et pourtant nous entendons les opposants au 80 km/h affirmer depuis la décision du Premier ministre qu’il est possible de moduler les vitesses maximales sur les réseaux concernés, en conservant le 90 km/h sur les voies les moins dangereuses. Par conséquent, il convient d’établir des cartes de tous les départements, sur une période longue, en sélectionnant les voies qui contribuent à la mortalité de 50% des usagers. Cette démarche est indispensable :
- Pour convaincre les usagers qui ont un comportement rationnel
- Pour mettre en évidence l’ignorance et la mauvaise foi de ceux qui contestent la décision du Premier ministre et prétendent pouvoir définir des vitesses différenciées au niveau de leur département. Ils commettent deux erreurs majeures :
- Assurer la sécurité est une fonction régalienne de l’Etat. Ce sont des décisions politiques prises au niveau gouvernemental qui ont assuré les réductions importantes de l’accidentalité en 1972/1973 et 2002/2003.
- Quand on prétend connaître les situations locales et pouvoir moduler les vitesses en fonction du risque, il faut prouver ce savoir faire et produire des cartes argumentées. Aucune collectivité départementale n’a établi ces documents.
La méthode
La connaissance se fonde sur les faits. Il faut donc localiser la mort par accident de la route au niveau de chaque département, en identifiant et en représentant les voies qui contribuent le plus à cette mortalité. Pour atteindre cet objectif, il convient :
- D’indiquer les caractéristiques du département qui interviennent dans la mortalité :
- Etendue
- Population
- Kilomètres de voies non autoroutières et autoroutière
- De tracer un graphique classant les voies et le nombre de tués en allant des voies où se tuent le plus d’usagers au kilomètre de voie, vers celles où ce nombre est plus faible.
- De créer pour chaque département un tableau qui contient les données utilisées pour établir ce graphique.
- De dessiner une carte comme le fait l’IGN, faisant apparaître en bleu les limites du département et en rouge les voies qui vont contribuer à un total proche de 50% de la mortalité hors agglomération et qui n’ont pas de caractéristiques autoroutières (sens de circulation séparés, absence de croisements à niveau).
- De produire une analyse utilisant les proportions de voies et les proportions de tués pour mettre en évidence les facteurs qui expliquent les variations du niveau d’accidentalité sur chacun des 91 départements qui ont une accidentalité hors agglomération (la petite couronne et Paris ne sont pas concernés)
Les moyens
- Les cartes produites par l’IGN. Elles tracent en bleu, rouge, jaune et blanc bordé de noir les voies en fonction de leur trafic et elles définissent le statut des voies par une lettre (A, D ou N) et leur identifiant numérique.
- La longueur des voies est accessible dans une base de données qui scinde les voies en multiples segments. Le logiciel du SIG (système d’informations géographiques)se nomme QGIS. La dernière version est QGIS 2.18. Le cumul des segments identifiés par le numéro de la voie permet d’obtenir la longueur totale de la voie. Il est également possible de faire des mesures sur la carte Géoportail ou en utilisant Google Maps. Cette dernière application est utile pour localiser une voie. Elle permet également de suivre avec la souris le tracé d’une voie ou d’une partie de voie, avec un affichage de la longueur. La longueur totale des voies départementales, nationales et autoroutières sont disponibles sur des bases de données, notamment sur le site Wiki Sara (https://routes.wikia.com/wiki/Portail:Les_transports_en_France)
Le département de l’accident, l’identifiant de la voie, la situation de l’accident en ou hors agglomération, le nombre de tués dans un accident, les caractéristiques de la voie (notamment la séparation des sens de circulation) sont des données disponibles dans les bordereaux d’analyse des accidents corporels (BAAC). Les valeurs utiles pour le débat actuel sont les nombres d’accidents hors agglomération sur des voies qui n’ont pas de séparateur des sens de circulation. Les données exploitées par notre analyse sont accessibles sur la base ETALAB produite par l’ONISR. Cette base ne contient pas toutes les données des BAAC. « Elle occulte certaines données relatives aux usagers et aux véhicules et à leur comportement dans la mesure où la divulgation de ces données porterait atteinte à la protection de la vie privée des personnes physiques aisément identifiables ou ferait apparaître le comportement de telles personnes alors que la divulgation de ce comportement pourrait leur porter préjudice (avis de la CADA – 2 janvier 2012). »
Les difficultés
- Les déficits d’identification des voies. Les voies départementales ne sont pas toujours identifiées dans les BAAC. Cette défaillance est surprenante et son importance est très variable d’un département à l’autre. L’amplitude de ce déficit de qualité est importante, de 0 à 22%. Il est surprenant, car la simple observation d’une case vide ou d’un zéro devrait entraîner une demande de précision au rédacteur local du BAAC. Peut-on imaginer que certains départements n’identifient pas certaines de leurs voies ? Cela semble peu probable. Le questionnement des départements les plus défaillants est en cours.
- L’usage de l’identifiant des voies départementales est perturbé par l’emploi de lettres en complément d’un nombre. Cet usage est variable d’un département à l’autre. Il caractérise le plus souvent des voies s’ajoutant à la fin d’une voie plus importante qui se scinde en plusieurs segments de faible longueur. Ajouter une D125c ou une D125e à la D125 (Haute Garonne) complique l’exploitation des données et nous n’avons pas exploité la variable du BAAC qui code cette notion complémentaire quand la longueur est faible. Sur l’ensemble des accidents de 2015, la proportion de voies avec un additif a été de 3% et les différences d’usage de cette pratique d’un département à l’autre ne sont pas en mesure de perturber notre analyse.
- La difficulté d’exploitation statistique des voies autoroutières est une évidence. Le statut administratif et la fonction des autoroutes sont variables. Un département peut avoir des autoroutes départementales, nationales non concédées ou concédées. La lettre A désigne habituellement les autoroutes concédées. Les voies de structure autoroutière qui n’ont pas un code 1 désignant les autoroutes, mais un code 2 qui indique une route nationale, sont nombreuses. Dans les Yvelines, la N12 est de structure autoroutière sur la totalité de son parcours. Au cours des 10 années étudiées, 19 accidents mortels ont été codés 2 et non 1, mais bizarrerie du codage, 4 ont été classés 1. Pour analyser les voies non autoroutières hors agglomération, il convient d’éliminer les accidents sur une voie codée 1, il faut également éliminer les voies codées 2 (routes nationales) ou 3 (routes départementales) qui ont un code CIRC 3 qui indique une route avec séparation des sens de circulation par un terre-plein « en section courante ».
- Si la référence au code du régime de circulation (code CIRC) est le bon moyen de sélection des accidentés tués sur une voie avec des sens de circulation séparés par un terre-plein, il est plus difficile de définir avec précision la longueur de voie qui relève de ce classement. Si les cartes de l’IGN teintent en bleu les autoroutes, sans ambiguïté sur l’infrastructure associée, ce n’est pas le cas pour les segments de voies qui apparaissent élargies par rapport aux routes à deux voies sans séparation, avec un soulignement par des lignes violettes en bordure de ces voies. Elles peuvent avoir une structure autoroutière ou ne pas avoir de séparateur médian. Il est donc difficile d’évaluer avec précision la longueur de ces voies « élargies », à 3 ou 4 voies, mais sans terre-plein central. Il peut également s’agir de routes à 4 voies et avec un séparateur médian, mais avec des intersections à niveau.
Il convient donc d’utiliser des choix qui s’imposent et de définir des compromis :
- Eliminer tous les décès observés sur des voies autoroutières au sens large.
- Soustraire de la longueur des voies hors agglomération toutes les voies sur lesquelles un décès a été observé et pour lequel le code de circulation est égal à 3 (4 voies avec terre plein).
- Calculer la longueur totale des voies d’un département en additionnant la longueur des voies nationales, des voies départementales et des voies autoroutières. Soustraire ensuite de ce total les longueurs de voies qui ont des caractéristiques autoroutières. Le résultat sera la valeur utilisée pour établir la contribution en % d’une voie à la proportion des tués sur les voies non autoroutières hors agglomération. Exemple :
- Ille et Vilaine : 50 km d’autoroutes, 264 km de routes nationales et 5 217 km de voies départementales soit un total de 5 531 km.
- 361 km de voies à structures autoroutières : voies départementales (D 137, D 41 et D177) voies nationales (N12, N176, N24, N157, N164) et l’autoroute A84.
- 5 531 – 361 = 5 170 c’est la valeur qui sera utilisée pour calculer quelle proportion représente une voie par rapport à l’ensemble du réseau non autoroutier.
- La départementale 177 a une longueur de 80 kilomètres. 80/51,70 = 1,55 % et c’est cette proportion qui sera utilisée pour calculer, ce qui représente 1,55%
- Sélectionner les voies sur lesquelles le nombre de tués a été le plus élevé au cours de la période 2006/2015) pour que la somme des tués soit proche de 50%. Ce choix de 50% peut apparaître arbitraire. Ce n’est pas le cas, il a été choisi en tenant compte de données observées. Un nombre de tués proche de 50% est relevé sur un nombre de voies relativement faible (de 6 à 20%). Ce sont ces voies qui supportent les trafics les plus élevés et c’est ce constat qui permet d’affirmer l’absurdité du maintien à 90 km/h de la vitesse maximale sur ces voies très utilisées. Le faire diviserait par deux le gain en vies humaines obtenu par le 80 km/h généralisé.
Remarques
Notre analyse a atteint un niveau de précision qui permet de la rendre publique à un moment important, précédant la mise en œuvre de la réduction de vitesse.
Il y a inévitablement des erreurs dans des analyses mettant en œuvre plusieurs centaines de données pour un seul département. Dans l’état actuel de nos corrections, nous sommes assurés que les modifications à venir seront minimes et ne changeront pas l’interprétation actuelle des résultats.
Nos documents sont identifiés par le numéro du département et une indication de la version sous la forme V1. Elle deviendra V2, V3 … quand une correction aura été effectuée.
La poursuite de l’acquisition des connaissances
Nos analyses sont des outils apportant des preuves indiscutables de la pertinence de la décision gouvernementale d’abaisser à 80 km/h la vitesse maximale sur le réseau de voies qui n’ont pas de caractéristiques autoroutières (séparation des voies de circulation et absence d’intersections à niveau). Elles mettent en évidence au niveau de tous les départements concernés (ceux de la petite couronne et Paris ne le sont pas) le nombre réduit de voies sur lesquelles le nombre de tués est important par km de voie. Ces voies sont celles qui supportent les trafics les plus élevés.
Il est indispensable de compléter ces connaissances dans les mois à venir. Le travail à faire doit être défini par une collaboration entre les organismes de l’Etat qui ont des compétences indiscutables pour les établir (notamment le CEREMA), les chercheurs appartenant à des structures diverses et les départements.
Le processus est défini depuis plusieurs années. Il convient de l’appliquer au niveau de l’ensemble des départements pour permettre la réalisation d’analyse de données indispensables au développement de l’évaluation du risque au niveau des voies. Il est évident que le trafic est le premier facteur de risque sur les routes, le risque lié à la structure de la voie n’est pas pour autant négligeable. Le fait que des responsables départementaux aient prétendu être les connaisseurs capables de différencier les risques au niveau des voies de leur département, sans pour autant transmettre les cartes argumentées indispensables pour prendre de telles décisions, prouve l’existence d’un besoin qui n’est pas satisfait.
Quand l’Etat a chargé les départements de la gestion de la quasi-totalité du réseau routier au niveau des départements, il n’a pas fait son travail. Il devait développer au niveau national un ensemble de mesures permettant d’assurer de façon coordonnée et exhaustive le contrôle de qualité des voies. Les outils existent mais le passage à l’acte n’a pas suivi.
Il convient :
- De rétablir au niveau de chaque département la documentation des Zones d’Accumulation d’Accidents (ZAAC). De rares départements ont poursuivi leur production qui demeure utile.
- De documenter pour toutes les voies dépassant un seuil de trafic défini la densité d’accidents et relier cette densité à leur trafic. Ce serait le complément indispensable à l’étude que nous achevons. Chacun des graphiques que nous avons produits doit être accompagné d’un autre graphique reliant pour l’ensemble de ces voies la densité d’accidents et le trafic.
- Cette pratique va mettre en évidence les densités d’accidents excessives par rapport au trafic supporté et elle doit alors produire une étude normalisée des voies.
- Cette analyse doit mettre en œuvre les outils d’évaluation établis et elle doit développer au niveau national une quantification du rôle de tous les facteurs de risque accru. Ce travail n’a jamais été fait au niveau national en utilisant l’ensemble des données disponibles. Nous connaissons le rôle destructeur des arbres en bordure des voies non équipées de glissières, en fonction de la distance entre la chaussée et les arbres. Nous avons par les BAAC une quantification des accidents mortels impliquant un choc contre un arbre. Nous n’avons pas, pour tous les départements, une quantification et une analyse définissant les niveaux de risque des différents obstacles verticaux en fonction de leurs caractéristiques, avec les cartes décrivant les résultats.
- Cet exemple d’identification d’un facteur de risque bien connu, l’obstacle vertical, n’est pas isolé, De nombreuses recherches, dans plusieurs pays, ont permis d’établir la liste des facteurs les plus importants. Quel département français produit une carte et le nombre de sorties de propriété ou de sorties agricoles pour établir leur contribution à un excédent de risque constaté et instaurer une réduction de la vitesse adaptée à cette situation ? La réponse est simple : aucun.
L’analyse reliant l’expertise des voies et l’accidentalité doit être développée. Le conflit qui a suivi la décision gouvernementale, une fois éliminée la malfaisance politique, a mis en évidence des lacunes dans l’établissement et la transmission des connaissances. Nous avons comblé une de ces lacunes dans ce travail, il faut maintenant étendre les connaissances en développant la diffusion de leurs résultats. L’usage massif de mensonges, depuis décembre dernier, est renforcé par le développement des moyens de communication. Si l’Etat ne communique pas les connaissances au niveau local, il sera constamment mis en difficulté pour gérer la sécurité routière. Une politique crédible dans ce domaine doit se fonder sur les preuves.
Le développement de l’évaluation de l’efficacité de la décision d’abaisser la vitesse maximale hors agglomération sur le réseau non autoroutier
La partie achevée de notre analyse justifie la décision du Premier ministre. Il est évident qu’au niveau de tous les départements, mais dans des proportions variables, la moitié du nombre de tués sur les voies concernées par la mesure qui sera appliquée en juillet prochain sont observés sur une proportion réduite de voies, se situant dans la majorité des départements entre 6 et 20%. Ces voies ne sont pas dangereuses pour des raisons impliquant l’infrastructure mais du fait du nombre de véhicules qui les utilisent.
Une mesure peut être justifiée et avoir un effet qui ne correspond pas aux résultats espérés si la qualité de la mise en œuvre a été défaillante. L’outil que nous avons défini et qui sera complété au cours des années à venir permettra de préciser les effets de façon différenciée au niveau des départements, notamment en agrégeant des groupes de voies de plusieurs départements, notamment en regroupant les densités d’accidents que nous avons calculées.
Plusieurs groupes de données vont être très importants dans ces analyses :
- L’évaluation des vitesses au niveau des départements. Une synthèse globale au niveau national serait insuffisante pour pouvoir évaluer le facteur qui est à la base de la réforme décidée. L’exigence d’observatoires départementaux est une nécessité qui a été exprimée depuis de nombreuses années. En 1997, en réponse à une question du Sénat sur les activités de l’ONISR il a été dit que « l’observatoire a oeuvré pour développer le logiciel de traitement des données locales d’accidents Concerto, pour lancer le programme Fa-Vibrato de recueil de données automatiques sur les vitesses à partir des stations de comptages Siredo » Cette intention ne s’est jamais concrétisée. Il est indispensable, compte tenu du développement actuel des outils et des méthodes de mesure, de disposer de résultats de l’évolution des vitesses sur les différents types de réseaux au niveau départemental. Commencer la période de mise en œuvre du 80 sans avoir des mesures précises et étendues de la vitesse serait une faute méthodologique majeure.
- La comparaison de l’évolution de la mortalité sur les différents types de voies, notamment sur les routes à 4 voies qui ne sont pas classées comme des autoroutes en fonction :
- De l’existence de chaussées séparées par un simple terre-plein ou par une séparation efficace en cas de perte de contrôle (glissière de sécurité ou muret béton.)
- De la présence ou non d’intersections à niveau sur les voies avec des chaussées séparées. Cette distinction n’est pas documentée actuellement dans les BAAC.
- Nous ne commentons pas l’hypothèse, envisagée lors du comité interministériel, de maintenir à 90 km/h des routes à trois voies avec une possibilité alternée de dépassement sans séparation par un terre plein ou une glissière. Cette hypothèse ridicule doit être abandonnée, une ligne blanche ne prévient pas la traversée d’une voie lors d’une perte de contrôle, aucun pays européen n’a mis en œuvre une telle mesure. Des décisions au cours d’un CISR ont souvent été abandonnées après l’analyse de leurs inconvénients, celle-ci serait un bon exemple d’abandon indispensable. Les conséquences de son éventuel maintien seront faciles à évaluer.
- L’usage des dispositifs de contrôle et de sanctions au niveau départemental (usage des véhicules mobiles équipés de radars, qui ont été mis en service en 2013, usage des véhicules mobiles entièrement automatisés utilisés par des sociétés habilitées à faire ces contrôles, statistiques des constats d’infractions concernant la vitesse au niveau des départements et vérification de l’effectivité des sanctions par des dispositifs assurant la traçabilité des parcours d’infractions allant du constat au retrait de points).
- L’évaluation des dégradations de l’efficacité des contrôles de vitesse produites par les avertisseurs de radars. Des études ont été publiées par des sociétés « en lien » avec celles qui produisent des avertisseurs de radar ou plus largement des contrôles de gendarmerie ou de police. Elles mettent en évidence l’importance de la neutralisation de l’effet des radars fixes ou des contrôles visibles. Il faut évaluer l’efficacité comparée des radars masqués, déplaçables.