État des lieux
Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 :
Avec la mobilisation de tous, c’est possible !
Kyoko Suzuki,
présidente de l’association japonaise Inochi no mésséji ten (inochi-museum.or.jp)
Traduit du japonais par Fumiko Lamant
Les « messagers de la vie »
En japonais, «accident de la route» correspond à l’expression anglaise «traffic accident», mais l’un et l’autre signifient qu’il s’est produit de manière soudaine un événement anormal. Spécifiquement dans le cas où une vie humaine disparaît, on peut dire sans aucun doute qu’il s’agit d’un crime ou d’un délit par l’intermédiaire d’un véhicule, mais cette expression ne rend pas bien compte de la situation et de ses conséquences. Dans le passé, il y a eu une tendance à utiliser la formule « délit routier », mais elle est encore loin de s’imposer dans le langage commun. C’est ainsi que l’expression « violence routière », qui combine les deux idées, accident et délit avec victime, pourra, je pense, aider à diffuser ce concept au sein de cette société de la voiture.
L’association Inochi no mésséji ten, qui signifie « l’exposition des messagers de la vie », intervient sur tout le territoire japonais depuis 2001.
Nous n’accueillons pas uniquement des victimes de délits routiers mais beaucoup d’autres victimes d’accidents de la vie. Notre mode d’action est l’exposition de panneaux en forme de silhouette des victimes, à leur taille, avec leur photo, accompagnés d’un texte décrivant les conditions de l’accident. C’est un message sur la force de la vie et sur le fait que l’accident n’arrive pas qu’aux autres.
Nous appelons « messagers » ces panneaux silhouettes de forme humaine. Plus de 80 % de nos messagers sont des victimes d’accidents de la route. Elles ont été victimes principalement de conducteurs alcoolisés ou de conduite délictueuse, et la majorité sont malheureusement des enfants ou des jeunes.
En 2010, nous avons ouvert un « musée de la vie » (« inochi no muséum ») dans la banlieue de Tokyo, où se déroulent des activités de sensibilisation aux risques routiers et où nous utilisons l’art comme moyen privilégié. La principale activité de ce musée est l’organisation des expositions des « messagers de la vie ».
Ces expositions, qui se déroulent dans les administrations, les institutions judiciaires ou les entreprises, contribuent efficacement à la diffusion des messages et à l’éducation des publics à la sécurité routière. En ce moment, elles concernent principalement les écoles, les établissements de rééducation des auteurs de délits routiers et les entreprises. L’éducation à la vie ainsi que la pédagogie destinée à empêcher la récidive et à renforcer la conscience morale commencent à porter des résultats réels en termes de sécurité routière. Les visiteurs sont amenés à réfléchir à l’importance de la vie en voyant tant de drames vécus par les victimes et la peine subie par leur famille et leurs amis. Leur conscience morale en est renforcée, et l’effet peut être positif sur la réduction des accidents de la route et des délits routiers.
Solidarité internationale
Il y a une messagère de France qui participe à nos activités. Elle s’appelle Anne-Marie, elle est âgée de 28 ans. C’est la sœur de Jean-Yves Lamant, Vice-président de la Ligue contre la violence routière. Nous nous sommes rencontrées en 2008, lorsque M. Lamant séjournait au Japon pour son travail. Il a proposé que la violence routière soit le point commun d’une collaboration entre nous. Dans le cadre de nos activités fondées sur l’utilisation de l’art, nous avons pensé que, malgré les différences de pays, d’origine, de langue, de culture, etc., nous pourrions nous entendre,
rencontrer d’autres personnes qui partagent les mêmes objectifs et monter une de nos expositions hors du Japon. La participation d’Anne-Marie s’imposait alors.
La problématique de la sécurité routière n’est pas propre à un pays. C’est une problématique mondiale. À cet instant, on peut déplorer une victime de la route de plus. Cela me remplit de tristesse. Pour faire disparaître la violence routière, nous travaillons au sein d’associations poursuivant ce but. Nous devons nous occuper de l’infrastructure, de la conception des voitures, du code de la route et de bien d’autres sujets liés à cette violence routière. Nos adhérents y participent, ainsi que ceux de nombreuses autres associations. Celles-ci ont contribué, par exemple par des pétitions, au renforcement des sanctions en cas de conduite délictueuse et à la réduction de l’accidentalité dans les carrefours en réclamant la mise en place de feux rouges non discriminants pour les piétons. Le fondement de notre action est la protection de la vie. C’est le point commun à toutes ces associations.
Une petite graine
Notre objectif ultime est que personne ne devienne victime ni auteur de délit routier, que personne ne vive la tragédie de perdre un être cher sur la route, que personne n’ait sa vie brutalement interrompue par un accident et que nous puissions construire une société qui protège la vie. Nous souhaitons au travers de nos activités que cesse toute forme d’accident, bien que les délits routiers soient encore quotidiens. Nous espérons, malgré une certaine inquiétude, que vienne le jour où cet objectif sera atteint. Nous nous battons au quotidien avec l’idée d’être une petite graine qui serve cet objectif. La petite graine se transformera en bourgeon et nous luttons avec confiance pour qu’un jour une fleur puisse s’épanouir… grâce à l’énergie de tous ces disparus que nous avons tant aimés et qui sont devenus messagers. Je ne cesse d’espérer que les liens entre nos activités et celles de la Ligue contre la violence routière puissent se renforcer dans le respect de nos spécificités.
État des lieux
Avec la mobilisation de tous, c’est possible !