Analyse du bilan de sécurité routière novembre 2023

En novembre 2023, 39 tués de plus qu’en novembre 2022. Depuis 3 mois, la courbe de la mortalité augmente. La baisse sur les 12 derniers mois n’est que de 4,6 %. Ce résultat nous éloigne de l’objectif que la France s’est engagée à remplir : diviser par deux le nombre de tués et blessés graves sur les routes en 10 ans et viser zéro tué et zéro blessé grave en 2050. Depuis mai 2017, date du premier mandat du Président Macron, le seul respect de cet engagement aurait permis de sauver 2 500 personnes et épargné des blessures graves à près de 13 000 autres. Rappelons que le Président Chirac qui s’était fortement engagé dans la lutte contre la violence routière lors de son premier mandat avait obtenu des résultats exceptionnels salués par tous y compris par ses opposants.

Pas de validation du 50 km/h maximum sur le périphérique parisien par le ministre des transports

En 50 ans de périphérique, la vitesse maximale est passée de 90 km/h en 1973, à 80 km/h en 1993 et 70 km/h actuellement. On y circule en moyenne à 38,9 km/h. En 2014, quand la vitesse a été abaissée à 70 km/h, on a constaté dès l’année suivante une baisse sensible des accidents de 13,2% et une légère baisse du bruit routier. Nous rappelons qu’une petite augmentation du nombre de décibels entraîne une hausse énorme de la quantité de bruit, pour exemple, une hausse de 3db représente un doublement de l’énergie sonore. Lors de la présentation de son plan climat, qui vise à réduire de 80 % l’empreinte carbone de la capitale d’ici à 2050, la ville de Paris a annoncé une limitation de la vitesse sur le périphérique à 50 km/h et confirmé qu’une voie serait réservée au covoiturage et aux transports collectifs. « Cela permettra de réduire la pollution de l’air et l’exposition au bruit des riverains, de fluidifier les déplacements entre Paris et les communes limitrophes et de renforcer la sécurité des usagers. Autant de bonnes raisons de lever le pied ! », détaille la municipalité. « Comment accepter que des gamins qui vivent à proximité des autoroutes urbaines que sont les périphériques suffoquent à coups de crise d’asthme, en particulier dans les quartiers populaires ? » déclarait sur France Info Dan Lert, adjoint à la mairie de Paris en charge de la transition écologique.

« Apaiser les déplacements en voiture est globalement bénéfique. Une conduite avec une vitesse moyenne moindre, permet de baisser un peu les émissions », expliquait à l’Agence France-Presse Damien Verry, du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema).

Ce qui n’empêche pas l’association 40 millions d’automobilistes de déclarer que l’abaissement de la vitesse sur le périphérique constitue « une politique d’acharnement… Cette décision ne repose en effet sur aucun fondement scientifique ».

Même son de cloche du côté des élus. Selon Valérie Pécresse, la Présidente de la région Île-de-France, cette mesure « affectera en priorité les usagers qui circulent la nuit ou tôt le matin : une fois de plus, on pénalise les Franciliens qui travaillent tard, ou qui se lèvent tôt parce qu’ils viennent de loin ». Pour Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique « c’est une mesure antisociale et illégitime ». Quant à Clément Beaune, ministre des transports « ce n’est pas une bonne idée à court terme… Si vous faites en même temps la voie réservée et le périphérique à 50 km/h, vous allez rendre les gens fous ».

SUV : un non-sens !

Dans le monde du 1er juin 1956 il était écrit : « Pour les véhicules à quatre roues, le taux des accidents progresse avec la puissance : l’indice moyen est de 80 pour les 2 CV, 92,5 pour les voitures de 3 à 6 CV, 105 de 7 à 10 CV, 114 de 11 à 14 CV. L’âge du véhicule a également une influence : les anciens ont moins d’accidents (indice 83,5) que les neufs (indice 119) ».

Une étude présentée au CNSR (Conseil National de Sécurité Routière) le 28 avril 2004 par les experts, fait état de statistiques des assurances de l’année 2001. Elles montrent que la prime pure des accidents corporels en responsabilité civile pour les véhicules les plus puissants et les plus rapides est systématiquement supérieure (jusqu’à 2,4 fois) à celle des plus raisonnables.

Il est ainsi clairement démontré que plus les véhicules sont puissants et rapides, plus ils sont lourds, polluants, accidentogènes et sources d’accidents plus graves. Un piéton a ainsi 2 fois plus de risques d’être tué en cas de collision avec un SUV qu’avec une voiture standard. Dans une collision mortelle entre un véhicule de moins de 800 kg et un de plus de 1 200, la probabilité que le tué soit dans le véhicule le plus léger est 25 fois plus élevée. Les assureurs en sont bien conscients, eux qui calculent le groupe de tarification dans lequel un véhicule est classé à partir d’une formule dans laquelle sa vitesse maximale et sa masse sont des éléments importants. Les marchands vendent des voitures de plus en plus lourdes sous l’œil bienveillant des pouvoirs publics : la masse moyenne des véhicules particuliers en 1990 était de 953 kg ; en 2022, elle est passée à 1 233, soit une hausse de 30%. En cause : l’explosion des ventes de SUV qui représentent désormais 46 % du marché. En 2019, la filière automobile a consacré 1,8 milliards d’euros à la promotion des SUV en France. Le choix des constructeurs de proposer des véhicules lourds, gourmands en carburant et sécurisants pour leurs passagers mais pas pour les autres usagers routiers ne sert que leurs petits intérêts : les gros véhicules rapportent bien plus.

Nous pensons de notre côté que l’on doit tout faire pour réduire les nuisances aux humains et à l’environnement liées aux dérives évitables des caractéristiques techniques des voitures. Il est indispensable de pénaliser le surpoids dangereux pour autrui, la puissance excessive, la surconsommation de carburant et la vitesse inutile. Les usagers doivent exiger des véhicules qui soient à la fois protecteurs pour eux-mêmes et pour les autres. Leur sécurité ne peut être assurée aux dépens de celle d’autrui par l’usage de véhicules dont la masse est très supérieure à celle des voitures les plus raisonnables. Réduire l’agressivité de certains véhicules est une nécessité qui rejoint les exigences de la protection de l’environnement. Les constructeurs savent faire ce genre de véhicule, les prototypes sont prêts (voir la Citroën « Oli »), mais ils restent dans les cartons.

« Zéro tué et blessé grave en 2050 » : c’est mal parti !

L’absence de volonté forte au plus haut niveau de l’État de sauver des vies sur la route en s’engageant sur des résultats à atteindre, le bras de fer entre les pouvoirs politiques, les intérêts économiques des constructeurs et les lobbies de la vitesse et de l’alcool entravent l’élaboration d’une vraie feuille de route pour atteindre l’objectif de diviser par deux le nombre de tués et blessés graves sur la décennie 2021-2030. La Ligue contre la violence routière a récemment montré qu’un tel travail était néanmoins faisable et prenait tout son sens en proposant des orientations fortes qui peuvent ensuite être déclinées au niveau du terrain si les moyens et les compétences requis sont rendus disponibles.

Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 : avec la mobilisation de tous, c’est possible !

État des lieux

 

Le bilan
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