Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 : avec la mobilisation de tous, c’est possible !
État des lieux
Hormis pendant la période du Covid, les mois de janvier 2018 et 2023 sont les mois de janvier les moins meurtriers depuis 70 ans, avec quand même plus de 7 tués par jour !
L’État Français s’est pourtant engagé en 2020, en signant l’accord européen de Stockholm, à réduire de moitié le nombre de tués et de blessés graves sur la décennie 2021-2030 (c’est-à-dire moins de 1.600 tués et 8.000 blessés graves / an en 2030) première étape qui vise à terme l’objectif zéro à l’horizon 2050.
Objectif : Zéro tué et blessé grave en 2050
«La sécurité a contre elle qu’il faut le vouloir, qu’il faut agir et qu’elle se dérobe si l’on se borne à la souhaiter» Bergson
L’action de la Ligue est une action de prévention, et, comme pour tout vrai préventeur, son objectif est « zéro accident ». Il correspond à un état d’esprit face à une réalité complexe. Il implique la conviction forte qu’il n’y a pas de fatalité à l’accident, ainsi que la volonté de lutter avec ténacité contre toutes les causes possibles. D’une façon générale, on peut déterminer les causes d’un accident et spécifier ce qu’il aurait fallu faire pour l’empêcher. Ce qui est vrai pour un accident est vrai pour tous les accidents, et ainsi éliminer les risques les uns après les autres.
Zéro tué et zéro blessé grave : la seule statistique acceptable
Lorsque la Ligue affiche cet objectif, elle soulève parfois le scepticisme et l’incompréhension. Le risque zéro n’existe pas, le risque est inhérent à la vie nous dit-on. En fait cette phrase marque la résignation.
Curieuse société, elle se protège de tout : de la maladie, de la vieillesse, du vent, des inondations et des cracks boursiers ; même les généraux ne conçoivent plus la guerre qu’en ne risquant pas la vie de leurs soldats. Cette société retrouve le goût du risque lorsqu’il s’agit pour un enfant d’aller à l’école, pour un vieillard de traverser la rue ou pour une famille de partir en vacances.
Pourtant la circulation routière est une activité entièrement conçue par l’homme et il n’y a ni gloire ni bénéfice à risquer sa vie sur la route.
Les Suédois et les Suisses qui sont plus performants que nous, proposent cette vision zéro tué, depuis plus de 20 ans. Cela revient à considérer la sécurité routière comme un problème de santé publique et à y appliquer les méthodes qui ont fait leurs preuves dans les autres modes de transport et la sécurité au travail.
Il n’y a pas plus de raison à risquer sa vie sur la route qu’à la cantine ou au travail et le risque zéro s’impose autant à la circulation qu’à l’alimentation ou au travail.
« Il n’y a pas de limites aux progrès de la sécurité routière jusqu’au moment où nous arrivons à zéro victime » (Jean Chapelon, secrétaire général de l’Observatoire de la sécurité routière – ONISR)
La Commission Européenne a approuvé, en février 2020, l’ « initiative Vision Zéro d’ici 2050 ». Pour y arriver, elle a fixé un nouveau palier pour la décennie 2021-2030 : les états membres de l’Union Européenne auront ainsi la tâche de réduire de moitié le nombre de tués, mais aussi le nombre de blessés graves sur les routes.
Un œil sur le passé
440.000 personnes ont été tuées et 9.500.000 blessées (blessés graves et légers) sur nos routes pendant ces 50 dernières années. On peut considérer que tous ces drames ont touché et continuent de ravager chaque famille, et traumatisent à vie une large part de la population. Tout le monde est concerné.
Le graphique de l’évolution de la mortalité sur les routes depuis mai 1972 montre 2 baisses importantes :
– l’une entre 1972 et 1979 avec une baisse moyenne de 5% par an. En 1972, les décisions d’imposer la ceinture de sécurité et les limitations de vitesse ont été prises.
– l’autre entre 2002 et 2012 avec une baisse moyenne de 7,5% par an. En 2002, ont été prises les décisions concernant la mise en place des radars pour sanctionner de manière automatique les excès de vitesse, la fin des amnisties présidentielles et des indulgences vis-à-vis des PV.
Par ailleurs, nous, Ligue contre la violence routière, soulignons la « mort cérébrale » de la sécurité routière pendant la dernière décennie 2012-2022
Période 2002-2022 :
Décennie 2002-2012 = baisse de 7,5% par an
Mandat présidentiel de Jacques Chirac
“Je suis absolument horrifié par le fait que les routes françaises sont les plus dangereuses d’Europe.” Le 14 juillet 2002, lors d’une interview à l’Élysée, Jacques Chirac crée la surprise en annonçant que la lutte contre la “violence routière”, la “barbarie”, seraient une priorité de son quinquennat. Et elles le furent : la mortalité passa de 8.274 tués à 5.018 pendant son mandat, soit une baisse moyenne de 9,5% par an. Ce fut un modèle de politique publique menée efficacement. À la barre, le Président Jacques Chirac ne cesse de distiller un discours anti-vitesse iconoclaste, dans lequel le respect de la règle devient un leitmotiv. Sans renâcler, les ministres chargés du dossier embraient. “Nous avons découvert à ce moment-là que, lorsqu’il y a une volonté au plus haut niveau de l’État, les dossiers avancent“, applaudit Chantal Perrichon. “Ça a été un petit miracle de travail en équipe, dit en écho le magistrat Rémy Heitz, nommé délégué interministériel à la sécurité routière en 2003. La coordination a été exceptionnelle. Les annonces étaient suivies d’effets“.
Mandat présidentiel de Nicolas Sarkozy
Le président Sarkozy, ancien ministre du président Chirac, malgré quelques relâchements termine son mandat avec une baisse moyenne annuelle de la mortalité de 5,5%. Hélas en 2011, le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, renomme les avertisseurs de radars en « assistant d’aide à la conduite ». Ainsi, ce détournement sémantique autorise de fait les conducteurs à signaler les radars à leur communauté. Cette tartufferie a contribué à l’augmentation du nombre de victimes de la route, et nous en subissons toujours les méfaits.
Décennie 2012-2022= baisse de 1,5% par an
Mandat présidentiel de François Hollande
L’objectif fixé par l’Union européenne était alors de diviser par deux la mortalité routière entre 2010 et 2020. Le 27 novembre 2012, le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, adapte cet objectif à la situation française « moins de 2.000 tués en 2020 ». Cela s’est soldé être un échec cuisant.
Le 80 km/h, proposé en 2013, à l’unanimité par le Comité des Experts du CNSR, fut mis au placard pour cause « d’inacceptabilité » sociale. Pour amuser les médias, 81 mesures tous azimuts furent proposées telles que l’expérimentation de l’utilisation de drones au service de la sécurité routière, l’élaboration et la distribution d’un label «sécurité routière », l’uniformisation de la taille et le format des plaques d’immatriculation des deux-roues, qui néanmoins restent plus petites que les plaques de voiture, etc.
Pendant ce mandat présidentiel la mortalité sur les routes ne baissa que de 1,5% par an !
Mandat présidentiel d’Emanuel Macron
Juillet 2018, le Premier ministre, Edouard Philippe, met en place la limitation de vitesse à 80 km/h sur le réseau des routes secondaires sans séparateur médian. Le 15 janvier 2019 à Grand Bourgtheroulde, le président de la République délégitime la mesure. Des voyous saccagent impunément des milliers de radars au nez et à la barbe des autorités, et mettent ainsi la vie des usagers en danger.
Par crainte de raviver des rancœurs, le président Macron rejette d’emblée le 110 km/h sur autoroute, pourtant proposé par la Convention Citoyenne, qu’il a lui-même mis en place.
Les motards ne veulent pas de contrôles techniques : le président suspend le décret les instaurant au motif que « ce n’est pas le moment d’embêter les Français ».
Les nouveaux radars urbains prévus fin mars en France ne seront finalement pas déployés. Le gouvernement a décidé de reporter sine die la date de leur mise en service. Le vice-président de la Métropole de Lyon a qualifié cette résolution « d’irresponsable ». Pour nous, Ligue contre la violence routière, ce recul s’explique par le contexte social tendu actuellement en France. En cause, la réforme des retraites qui « paralyse » la décision politique et cause « des vies gâchées inutilement.
Pendant ce mandat présidentiel la mortalité sur les routes n’a baissé que de 1,5% par an !
Pendant cette décennie, les gouvernements ont utilisé l’insécurité routière pour huiler les rouages du dialogue social. Ainsi la baisse moyenne annuelle de la mortalité n’est que de 1,5%. La tenue de l’objectif de diviser par deux la mortalité routière entre 2010 et 2020 aurait épargné 5.700 vies. La dynamique créée par le président Chirac est cassée.
Objectif : Zéro tué en 2050
Pas question pour autant de baisser les bras. Au contraire, la Commission européenne persévère pour atteindre l’objectif ultime « zéro décès et blessures graves sur les routes d’ici à 2050 ». Elle fixe un objectif intermédiaire visant à réduire de moitié le nombre de tués, mais aussi le nombre de blessés graves d’ici à 2030, ce qui implique une baisse moyenne annuelle de 6,7% de la mortalité.
Les résultats catastrophiques de la dernière décennie (stagnation en 10 ans : 3.260 tués en 2022 pour 3.268 en 2013) obèrent lourdement l’avenir et rendent l’objectif intermédiaire, moins de 1.600 tués en 2030, quasiment inatteignable. C’est pourquoi, vu l’expérience acquise, nous avons émis l’hypothèse d’une baisse de la mortalité de 7,5% par an, comme celle qui avait déjà été réalisée entre 2002 et 2012. Elle permet d’atteindre l’objectif intermédiaire en 2040, puis le « zéro tué « en 2050 (voir le graphique ci-dessous)
Dans ce contexte aux objectifs clairs, la Ligue contre la violence routière demande au gouvernement de :
construire, dès que possible avec l’aide des experts reconnus de la sécurité routière, une feuille de route , contenant des mesures concrètes, efficaces et en nombre limité, permettant d’atteindre l’objectif de division par 2 du nombre de tués et de blessés graves sur la décennie 2021-2030.
Cette feuille de route devra être accompagnée de l’identification des 4 à 5 domaines pour lesquels des mesures fortes devront être préparées et mises en œuvre progressivement pour rendre possible cette vision zéro tué et zéro blessé grave en 2050, « engagement résolu » pris également par la France. Zéro tué et zéro blessé grave, devra nécessairement passer par « zéro impunité »
La Ligue contre la violence routière a rencontré la Déléguée à la sécurité routière, Florence Guillaume. Nous espérons avoir été entendus sur notre demande de feuille de route et attendons impatiemment d’en connaître les contours, pour qu’un Comité interministériel de la sécurité routière soit programmé en 2023.
État des lieux