Analyse bilan de sécurité routière décembre 2022

3268 tués en 2013, 3260 tués en 2022 : aucun progrès en 10 ans

Nous rappelons que l’objectif fixé par l’Europe est une diminution des décès de 50% durant une décennie. Nous savons que c’est possible, nous avons déjà réalisé une telle baisse de mai 2002 à mai 2012. Pendant cette période les présidents de la République érigeaient la sécurité routière en priorité nationale, ils fixaient l’objectif et maintenaient constamment le cap auprès des ministres. Mais actuellement, le gouvernement a d’autres préoccupations : les  gilets jaunes, la hausse des carburants, l’inflation, les retraites, l’Ukraine, …., la sécurité routière n’est plus une priorité nationale. Elle est devenue une variable d’ajustement de l’acceptabilité sociale « il ne faut pas embêter les Français ».

Communication populiste de certains parlementaires

La niche parlementaire est un droit qui permet à chaque parti d’opposition ou groupe minoritaire de mettre, un jour par mois, ses propositions de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale. Le 12 janvier, c’était au tour du Rassemblement national qui a soumis un texte visant à supprimer les zones à faibles émissions (ZFE). L’Assemblée Nationale a rejeté ce texte.

Béatrice Roullaud, députée Rassemblement national de Seine-et-Marne, a été verbalisée pour avoir roulé à 56 Km/h sur le quai de Bercy à Paris. Elle a contesté sur twiter l’amende qu’elle a reçue « On est dans un monde de fous !!   La nouvelle façon de prélever des impôts ! Il faut bien trouver de l’argent et de préférence sur ceux qui roulent et qui travaillent ! » a-t-elle lancé, en colère. Au total, le tweet de la députée RN a été vu près de 1 million de fois et n’a pas été du goût de tout le monde. Plus de 4 000 commentaires négatifs ont été recensés. On peut alors lire : « respectez le Code de la route et arrêtez de pleurnicher sur les réseaux, c’est pathétique » ; « C’est effectivement un “ monde de fou quand une députée de la Nation considère que rouler au-dessus de la vitesse autorisée en ville, c’est-à-dire risquer littéralement des vies, ne devrait pas être verbalisé. La fermeté pour les délinquants, c’est pourtant votre ligne non ? » Ainsi les utilisateurs de twiter ont détourné la polémique qu’a voulu lancer la députée au sujet des petits excès de vitesse.

Par son geste de contestation, Madame la députée a voulu attiser la controverse sur l’absolution aux coupables de « petits excès de vitesse », à laquelle le ministre de l’Intérieur et la Déléguée à la sécurité routière « réfléchissent » à une faveur pour des excès de 5km/h. Nous craignons que cette manoeuvre ne suffise pas pour convaincre nos décideurs de ne pas octroyer cette « tolérance électorale ».

Pierre Morel-À-L’Huissier, député UDI de la Lozère, en veut plus. Dans sa proposition de loi il demande la suppression de la perte de points pour les excès de vitesse non pas inférieurs à 5 km/h mais à 10 km/h. Il surenchérit comme à la criée… dans un contexte où le nombre de tués n’a quasiment pas diminué depuis 10 ans (supérieur à 3400 en 2013 et 2022)

Baisse de la mortalité plus importante dans les départements limités à 80km/h que sur ceux limités à 90km/h

L’Observatoire national interministériel de sécurité routière (ONISR), labellisé par l’Autorité de la statistique publiquei, a étudié les effets de la réduction de la vitesse maximale autorisée à 80 km/h.

Dans son étude publiée en juillet 2020 il relève que :

  • la réduction des vitesses pratiquées est de 3,3 km/h,
  • 349 vies ont été épargnées en 20 mois par rapport à la moyenne des cinq années précédentes 2013-2017 prises en référence,
  • l’allongement des temps de trajet est en moyenne de 1 seconde par kilomètre.

Dans son étude d’octobre 2022ii, il compare les départements qui sont restés à 80 km/h à ceux qui sont repassés à 90. Il constate que :

  • les vitesses pratiquées sur les routes dont la VMA a été relevée à 90 km/h sont plus élevées en 2020 et 2021 qu’en 2017, avant la baisse de la VMA à 80 km/h,
  • la mortalité a connu une baisse plus importante sur les départements restés à 80 km/h que sur ceux ayant relevé la VMA. Par rapport aux années 2013-2017, la baisse atteindrait – 21,3 % pour le « groupe 80 » en 2021 contre -16% pour le « groupe 90 ». Si la baisse des tués du « groupe 90 » avait été similaire à celle du « groupe 80 », on aurait déploré 568 morts contre les 642 réellement enregistrés. Cette différence représente un surplus de + 13,1 %.

L’application d’une hausse de 13,1 % de la mortalité routière au résultat d’une année « classique » type 2019 sur l’ensemble des routes, hors agglomération, hors autoroutes de France métropolitaine, représenterait une surmortalité de 254 tués.

110/h sur autoroute: « Je ne suis jamais gêné par les arguments de l’adversaire, mais plutôt dépité quelquefois de les trouver si faibles » Jean Rostand (Inquiétudes d’un biologiste)

Rappel :

  • En 2020, la convention citoyenne pour le climat propose de baisser la vitesse à 110 km/h sur autoroute. D’emblée le président de la République, Emmanuel Macron, décide de ne pas prendre en compte cette proposition,
  • En 2020, Elisabeth Borne, ministre de la transition écologique, dit être favorable à titre personnel à cette mesure,
  • Le 6 novembre 2022, le Parisien diffuse une étude : pas moins de 68% des Français seraient d’accord avec une limitation des autoroutes à 110 km/h au lieu de 130,
  • Le 14 novembre 2022, Elisabeth Borne, alors Première ministre, dit non aux 110 km/h, et évoque les personnes « qui ont besoin de se déplacer sur autoroute et qui peuvent avoir des contraintes de temps » (Madame la Première ministre a du mal à trouver un argument crédible pour justifier son retournement),

Par ailleurs son cabinet confirme « que la porte était fermée à ce projet ».

  • Le 22 novembre 2022, la Prévention routière raconte qu’une réduction de 20 km/h sur autoroutes payantes fait peser le risque potentiel d’un transfert du trafic vers les routes gratuites bien plus accidentogènes, d’où une hausse des accidents sur les routes.

Cette opinion n’est qu’une hypothèse qui n’a jamais été contrôlée par aucune étude.

Alors qu’aujourd’hui, il y a urgence à mettre en œuvre toutes les mesures qui permettent de réduire les consommations de pétrole et la pollution, le 110 km/h est une des (très) rares mesures peu contraignantes avec effets immédiats,

Alors que physiquement la baisse de la vitesse sur autoroute de 130 km/h à 110 conduit à une réduction de l’énergie consommée (23%), peu importe qu’il s’agisse de carburant liquide ou d’électricité. Cette baisse de carburant pour les moteurs thermiques correspond à peu près aux importations françaises de pétrole en provenance de Russie,

Alors que le ralentissement à 110 km/h encouragerait à produire et vendre des véhicules plus sobres en termes de consommation, de poids, de puissance et de vitesse maximale,

Alors que cette baisse de la VMA entrainerait une baisse de la vitesse moyenne, donc de l’accidentalité (1% de vitesse moyenne en moins, c’est 4% de tués en moins) et contribuerait à la réalisation de l’objectif européen « zéro mort » en 2050,

Alors qu’un grand nombre de pays européens ont limité la vitesse maximale à 110 ou 120km/h sur leurs autoroutes (Belgique, Chypre, Estonie, Finlande, Irlande, Portugal, Suède)

Alors que d’une part les autoroutes sont davantage utilisées pour des trajets de longue distance (vacances, loisirs) donc moins structurants dans la vie quotidienne, et d’autre part la hausse des prix du pétrole : 68% des automobilistes accepteraient cette limitation de vitesse maximale autorisée de 110 km/h sur les autoroutes.

Malgré ces arguments, pour des raisons inavouables bassement démagogiques, le gouvernement sous la pression du lobby « vroum-vroum » et du président de la République, a fermé la porte à ce projet. De ce fait, au mépris de nos vies, il « refile » la patate chaude à ses successeurs.

La voiture citoyenne

Nous, depuis 40 ans nous travaillons sur ce sujet, et en 2005 nous définissions notre concept de la voiture citoyenne : « Les sociétés qui identifient les adaptations indispensables et se révèlent incapables de les réaliser sont en danger. Il faut que nous réduisions les nuisances humaines et environnementales liées aux dérives évitables des caractéristiques techniques des voitures. Il est indispensable de pénaliser le surpoids dangereux pour les autres, la puissance excessive, la consommation élevée de carburant et la vitesse inutile. Les usagers doivent exiger des véhicules à la fois protecteurs pour eux-mêmes et pour les autres. Leur sécurité ne peut être assurée aux dépens de celle d’autrui par l’usage de véhicules dont la masse est très supérieure à celle des voitures les plus raisonnables. Réduire l’agressivité de certains véhicules est une nécessité qui rejoint les exigences de la protection de l’environnement.»

Citroën présente au salon de l’auto à Bruxelles du 14 au 22 janvier 2023 un prototype « Oli » qui répond à nos exigences. Cette voiture 100% électrique affiche des performances raisonnables et responsables :

  • simplicité de l’habitacle, qui va droit à l’essentiel, le tableau de bord contient par exemple seulement 34 éléments, soit moitié moins que d’habitude, ce qui ne l’empêche pas d’être tout à fait « high-tech »,
  • une vitesse maximale limitée à 110 km/h,
  • une batterie réduite à 40 kWh, qui peut être rechargé à 80 % en seulement 23 minutes,
  • 400 km d’autonomie, grâce à une consommation de seulement 10 kWh/100 km, soit une énergie consommée 6 fois moindre qu’une voiture à essence,
  • une masse d’à peine 1 000 kg, batterie incluse, la ë-C4 pèse plus de 1 500 kg,
  • un toit et un capot en carton ondulé recyclé, structure en nid d’abeille, en sandwich entre des panneaux en fibre de verre et en résine,

  • des pneus dont la gomme est fabriquée à partir d’huile de tournesol, de la résine de pin et de la silice de cendre de balles de riz,

  • prix à partir de 25 000 euros

  • etc …

Aujourd’hui, « Oli » n’est qu’un prototype, il ne pourra être commercialisé que d’ici à cinq ans, si toutefois il est industrialisé.

Citroën justifie la vitesse maximale plafonnée de ce futur véhicule à 110 km/h pour réduire la consommation et aussi parce que l’usage autoroutier est finalement ultra-minoritaire dans la vie d’une voiture familiale.

Considérée hier comme un objet de prestige, la voiture a perdu de son lustre et pourrait devenir d’ici dix ans un moyen de transport comme les autres. Les constructeurs ont pris conscience que la voiture est en voie de banalisation, que les mentalités changent pour aller vers plus de sobriété et éviter de perdre la vie sur la route. Ils préparent cette transition vers la « voiture citoyenne » que nous appelons formellement de nos vœux depuis plus de 20 ans

i L’Autorité de la statistique publique veille à l’indépendance professionnelle dans la conception, la production et la diffusion de statistiques publiques.
Elle assure également une vigilance quant au respect des principes d’objectivité, d’impartialité, de pertinence et de qualité des données produites, en référence aux recommandations européennes en matière de bonnes pratiques statistiques

ii Des journaux de la presse automobile suspectent la sincérité de l’étude d’octobre 2022

 

Dernière minute :

Retour à 80 km/h : le Calvados fait marche arrière sous la pression de la Ligue

En 2020, le département du Calvados a rétabli le 90 km/h sur 10% de son réseau routier départemental. La LCVR 14 a saisi la justice qui a invalidé cette décision au motif que les risques d’accident n’avaient pas été suffisamment pris en compte. Dès cette annonce, le président de la LCVR 14, Philippe Vayssette, a mis la pression sur le département pour qu’il abandonne le retour à 90 km/h en arguant qu’il n’y avait « pas de motivation d’intérêt général pour pérenniser une mesure qui engendre plus de tués, de blessés, de pollution et de consommation d’énergie » et que « continuer à dépenser l’argent public pour cette mesure politicienne contre la santé et l’environnement est une absurdité. »

Trois ans plus tard, retour à la case départ. À compter du 1er février, il est à nouveau interdit de dépasser les 80 km/h sur l’intégralité des routes départementales du Calvados. Le département a démonté les panneaux limitant la vitesse maximale à 90km/h et réglé les radars à 80 km/h.

Il va revoir sa copie qui pourra déboucher sur un retour à 90 km/h sur tout ou partie des routes départementales ….!!! A suivre…

 

 

 

État des lieux

Objectif -50% de tués en 2027 vs 2017 :

Avec la mobilisation de tous, c’est possible !

Le bilan
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