Editorial de Pondération
Dans un contexte d’abandon de la sécurité routière par les pouvoirs publics, la dégradation des résultats se poursuit. Si le niveau de risque du premier trimestre 2016 se maintient, nous aurons une troisième année d’accroissement de la mortalité, ce qui n’a pas été observé depuis les réformes de 1972. Cet échec dramatique prouve l’insuffisance des incantations psalmodiées par nos ministres, spécialistes des déplacements éclairs sur les lieux d’accidents « spectaculaires », et qui souhaitent s’assurer d’un passage au JT du 20 h au lieu d’agir avec compétence et détermination.
L’incapacité du ministre de l’Intérieur qui a en charge la sécurité routière, se combine à la disparition de la gestion interministérielle, soulignée par le rapport piloté par Marianne Bondaz, inspectrice générale de l’administration (un comité interministériel en 4 ans). Un nouvel exemple de cette désorganisation nous est donné par l’attitude de la ministre de l’Éducation nationale qui se désintéresse des activités de la Ligue dans les établissements scolaires, alors qu’elle encourage l’intervention de motards en colère qui expriment régulièrement leur opposition aux mesures de sécurité routière. Je vous laisse juges !
Nous avions sollicité un rendez-vous auprès de madame Najat Vallaud-Belkacem par un courrier daté du 20 octobre 2014. La réponse ne nous parviendra que le 20 janvier 2015, uniquement après avoir fait part de cette négligence à Matignon… Nous lisons alors la réponse de son chef de Cabinet avec beaucoup d’attention :
« Les contraintes de son agenda ne lui permettent pas de vous recevoir personnellement. Croyez bien qu’elle le regrette ».
Nous sommes orientés vers l’une de ses conseillères que nous joindrons dans la foulée et qui nous fixera un rendez-vous le 9 mars ! À la dernière minute, un autre conseiller (interchangeable ?) la remplacera au pied levé…
Dommage, car entre temps la liste des sujets que nous souhaitions aborder s’était allongée, notamment avec une demande d’agrément pour intervenir dans les établissements scolaires, même s’il est précisé dans le « Vade-mecum sur la demande ou le renouvellement d’agrément des associations éducatives complémentaires de l’enseignement public » que « L’agrément du ministère de l’Éducation nationale n’est pas juridiquement nécessaire pour les interventions en établissements… »
. Qu’à cela ne tienne, nous avons déposé une demande. Las, dans le cadre de la simplification administrative… qui n’a pas encore atteint la rue de Grenelle, nous avons eu droit à un questionnement supplémentaire pour que les membres du Conseil National des Associations Éducatives Complémentaires de l’Enseignement Public (qui se réunit 3 ou 4 fois par an) nous adoubent !
Nous pensions naïvement que la fiche concernant la Ligue dans ce ministère mentionnait que parmi nos actions, il y avait notamment celle qui avait permis d’instaurer en 1992 l’obligation d’un dispositif spécifique pour les enfants dans les voitures, que nous avions été les pionniers pour inciter les responsables locaux à faire des aménagements sur le chemin des écoles et que cette démarche avait été généralisée et rendue obligatoire en 2005 par le « diagnostic de sécurité routière aux abords des écoles ». Après des milliers d’interventions dans les lycées, les centres d’apprentissage, les universités, les grandes Écoles, nous n’imaginions pas que les conseillers techniques du ministère ignoraient et notre bilan, et nos prises de position pour améliorer également la sécurité dans les transports scolaires, la protection des jeunes cyclistes, la lutte contre le débridage des cyclomoteurs, etc. La lecture de « Zone scolaire » (1) numéro spécial de notre revue Pondération et de notre livre « Objectif Zéro accident » (2) que nous avons publié l’an passé, aurait sans doute permis une remise à niveau indispensable et rapide des conseillers de la ministre.
Nous n’éprouvons que de la consternation devant ces poulets sans tête qui sprintent dans les couloirs des ministères pour obéir aux ordres de leur hiérarchie et produire au plus vite textes, fiches et discours exigés. Un de ces pauvrets du ministère de l’Intérieur n’a-t-il pas, dans l’affolement, rêvé puis décrit un événement (3) qui n’avait jamais existé ?
En lieu et place du temps confisqué pour la logistique des déplacements de la ministre, pouvons-nous espérer que ses services étudient sérieusement notre demande d’agrément, même si les réformes de l’orthographe, des programmes, des ouvrages scolaires, de la discipline, de l’uniformisation des tenues vestimentaires, l’abandon ou non du latin, la création d’espaces fumeurs au lycée pour protéger les élèves (sic !) accaparent toute leur attention ? Devons-nous rappeler que la violence routière est la première cause de mort de notre jeunesse ?